Tech et sobriété : à quel point avons-nous besoin des technologies pour décarboner ?

Tech et sobriété : à quel point avons-nous besoin des technologies pour décarboner ?

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Bonjour à tous et à toutes. Bonsoir ! Bon, bon courage. Pas de chaleur. Bienvenue pour cette table ronde. Alors je vais présenter sans plus attendre nos invités. Donc à votre droite, vous avez Alexandre Monnin, docteur en philosophie.

Il est professeur directeur du master en sciences stratégie et design pour l'anthropocène à l'Ecole supérieure de commerce, Clermont Business School Strate Design aussi à Lyon. Ensuite, par ordre d'apparition Eric Bergé, donc Il est chef de projet au Shift Project, mais également. il travaille également dans le monde de la chimie, de la construction. Il est dans des Boards, il est consultant, il en dira plus si j'ai oublié des choses et on a donc Cédric Carles qui est ecodesigner et fondateur de l'atelier 21 et auteur de Rétrofutur, une contre histoire des innovations énergétiques ça marche. Mais il faut que je parle comme ça. On m'avait dit oui, ça marche et donc je me présente également.

Damien Michaud Moi, je suis chef de projet au Shift Project et j'ai particulièrement travaillé sur les écoles d'ingénieurs. Leur transformation le rôle de l'ingénierie et de l'ingénieur dans cette nécessaire transition. Et donc, on est réunis tous ensemble. On est content de vous voir aussi nombreux pour parler du rôle de la technologie vis à vis de la sobriété, de la décarbonation. Peut être qu'on étendra un petit peu le débat et en plus, il y aura une petite surprise à la fin pour ceux qui restent Je n'ai pas de solution miracle pour décarboner. En faisant peu d'efforts.

donc en guise d'introduction, je voudrais juste vous faire noter que dans le débat public, on a souvent une tendance à avoir souvent des propositions très polarisées. Entre le retour à la bougie, le mode amish et le techno solutionnisme, on va sur Mars, mais on ne va pas être beaucoup à pouvoir y aller. Et puis on ne sait pas trop ce qu'on y faire. D'ailleurs, je pense. Une des premières questions, ça va être aussi où est ce qu'on met le curseur ? Comment est ce qu'on fait pour trouver le bon niveau ? Où est ce qu'il faut mettre le curseur en terme de technique, de technologie ? Je pense que c'est un des principaux débats qu'on peut avoir ce soir sur différentes thématiques et pour introduire un peu ce sujet, j'aimerais bien qu'on débatte un petit peu des potentiels de la technologie, de ses limites, des risques, des coûts qui y sont associés, quels que soient les enjeux. Et je ne sais pas s'il y en a un d'entre vous qui voudrait commencer.

On n'a pas de femmes, désolé Alors je rebondis tu dis on n'a pas de femmes, désolé. Justement, je vais en profiter pour dire que la programmation de l'univershifté est composée à 70 % d'hommes. En tout cas, sur les stages que je sais, que c'est difficile de trouver des intervenants, etc mais que c'est très important parce que la transition on la fera pas entre barbus. Il faut qu'on soit en fait sur une question d'égalité sur ces questions là, parce que je crois que c'est important. Et voilà, je tenais à rebondir sur ça. On est que des mecs aujourd'hui, ce serait bien qu'on soit un peu plus dans l'égalité. La question des technologies.

Je crois qu'on est tous un petit peu piqué au vif par une espèce d'accélération et de diarrhée de l'innovation. Y compris les grands chefs d'entreprise aujourd'hui, se posent des questions. On vient de sortir une tribune avec des grands acteurs de la construction que je vous invite à lire, qui s'appelle Vers une fabrique de la ville low tech. Donc ça semble tourner les pieds à la smart city, ce qui est quand même un grand pas.

Eux mêmes rencontrent des problèmes de maintenance parce qu'on leur a refourgué des systèmes qui aujourd'hui tombent en panne, où il n'y a personne pour maintenir derrière ou quand il y en a, ça coûte très cher. Donc pour eux, c'est un enjeu économique. C'est pas vraiment, on peut dire, peut être aussi pour les impacts carbone, pour favoriser l'économie circulaire, etc. Mais je crois qu'il y a un enjeu économique en fait, sur la question de la technologie, ça peut être un piège.

Aujourd'hui, il y a des acteurs de la construction qui invitent à signer cette tribune aussi aux autres acteurs parce qu'ils se rendent compte eux mêmes qui touche des limites et qui touche du doigt quelque chose sur lequel ils n'ont pas la maîtrise. Donc, il me semble qu'il y a un consensus citoyens et industriels. Peut être pas chez tout le monde. La smart city va être encore défendue becs et ongles par certains constructeurs.

Sauf que la smart city Google lui a tourné le dos il y a plus d'un an. Donc ils ont dit Nous, on quitte. Donc ça, c'est un signal fort. Et Cisco Systems a dit Nous la ville, beaucoup de capteurs de demain, on quitte aussi. Donc ça veut dire que les plus gros industriels n'y croient même plus eux. Donc ça veut dire que aussi au niveau français et urbanistique et au niveau des décideurs, il faut peut être qu'on se dise que la smart city sera peut être un peu plus low que smart elle sera entre les deux. Et je n'aime pas opposer le mot au high tech.

Avec mes collègues au sein du groupe de travail paléo énergétique on dit que la technologie, c'est une question complexe et qu'il ne faut pas se mettre en mode les amish contre la high tech parce que ça n'est pas c'est pas du tout fertile en terme de production. Il faut du consensus, il faut qu'on embarque et donc il faut du discernement technologique, de la critique technologique plutôt que du low, avec les gentils d'un côté et du high les méchants de l'autre en tout cas. bah ce que tu viens de dire, moi me parle beaucoup parce que j'ai vécu 30 ans comme industriel. 20 comme patron de boite et une bonne partie c'était dans les réseaux de construction ou effectivement, les délires technologiques peuvent amener à des conséquences très fâcheuses qui ne prennent pas en compte les problématiques locales.

Je vous donne un exemple il y avait aux Etats-Unis il y a 20 ans. Tout d'un coup, les constructeurs sont mis à vouloir faire des ce qu'on appelle des Mcmansions au lieu de la maison traditionnelle du Sud qui était carrée, très résiliente, à vouloir faire des maisons tarabiscotées qui donnent à chacun l'impression d'habiter dans une maison une espèce de mansion, vous voyez, pas juste une maison, un mini château. Et ça a donné des catastrophes parce que la Sunbelt aux Etats-Unis elle n'est pas juste "sunny". elle est aussi très "rainy", comme dirait l'autre.

Et c'est des maisons qui n'étaient pas du tout adaptées au climat. Donc ça a été une catastrophe. Mais ça, tu parles beaucoup de développement. Moi j'aurais aimé partir d'un truc qu'on a étudié dans le PTEF au niveau du shift qui est déjà par exemple dans l'industrie. D'ou viennent des émissions. Et déjà

si on veut conserver un niveau de vie sans même se projeter dans l'avenir. Est ce qu'on peut déjà éviter de perdre en niveau de vie grâce à la technologie. Si je décarbone est ce qu'on va être obligé de revenir à la bougie avec les amish.

Même sur l'essentiel, c'est à dire les choses de base, construire simplement sans être "Smart". Faire de l'acier sans être ultra smart en fait la conclusion. Moi, je suis arrivé, je suis plutôt technophile, je viens de l'industrie, même si je suis en train au Shift. Je veux démontrer qu'on peut arriver à décarboner l'industrie, qui représente près 20 % des émissions françaises, avec la techno, je vais y arriver. On a fait le screening de tout, et en fait, la vérité c'est que même avec la plus grande intention de tout décarboner avec la techno. Sur nos secteurs industriels, on parle pas de trucs sophistiqués l'acier, la chimie, les engrais, les plastiques ou le ciment, le béton. Vous voyez, les trucs de base qui nous font vivre, et bien on n'y arrive pas.

La première chose, c'est on n'arrivera pas à suivre la trajectoire et à décarboner ces trois segments là, qui sont critiques parce qu'il y a des émissions de process. Parce que oui, le plastique, ça va être super compliqué. On ne peut pas avoir des taux de recyclage très élevé partout. Donc à la fin, déjà, la première constatation pour moi, c'était : sans 20 % de sobriété dans les usages qui sont faits aux alentours de nous. Donc même pas des nouveaux développements. Moi je dis sobriété par rapport au monde d'aujourd'hui, j'y arrivais pas. Et j'arrivais à cet équilibre là.

Si vous repartez avec ces ordres de grandeur en tête, moi ça me suffira pour aujourd'hui. C'est à dire finalement pour décarboner l'industrie de 80 %, l'industrie française, on pouvait faire 40 % du chemin avec le progrès continu. C'est à dire on traque tout, mais ça c'est le truc classique. On va traquer la moindre thermique partout dans les usines, çac'est pas du progrès technologique.

Ensuite, des projets de rupture. Oui, je vais faire des engrais avec l'hydrogène. Je vais faire la voie directe en sidérurgie, je passe plus par charbon et le coke.

Je vais avec de l'hydrogène vert réduire le fer je fais tout ça, c'est génial. Je fais 40 % du chemin mais ça va coûter beaucoup plus cher. Donc est ce que je peux créer les conditions pour que ça arrive ? Mais sans les 20 % de sobriété, je ne reboucle pas. Donc déjà pour préserver l'actuel, je dirais, je n'ai que 20 % de sobriété si j'arrive à réaliser les 40 % de percées technologiques. Si je ne les ai pas

mettons que je fais que la moitié c'est plus 20 % de sobriété, ça devient 30 ou 40 %. C'est un autre grandeur qui il faut avoir en tête. Juste pour préciser tout à l'heure tu parlais du coût économique. Mais dans le PTEF, vous vous êtes attelé au coût plutôt matériel.

C'est à dire à la faisabilité matérielle des choses. Absolument. Par exemple, il y a des il y a des choses qui vont manquer. Moi, je ne vais pas parler de terres rares et tout ça.

Je veux parler de trucs aussi cons que le sable de rivière Le sable de rivière, il a fallu des millions d'années pour le faire. Il y a des régions où il disparaît. Le Portugal, c'est un pays, par exemple, où il n'y a plus de sable de rivière. Singapour, qui se présente comme une cité verte, partout on entend "Green City". En réalité, Singapour a sucé tout le sable dans un rayon de 400 kilomètres pour faire ses extensions sur la mer et ses grands buildings. Donc il va falloir faire.

Le béton ne pose pas juste un problème de carbone. Il pose aussi un problème de ressources minérales tout bête. Je me permets de rebondir quand on a fait des discussions avec les acteurs de la construction récemment. On s'est basé aussi sur des papiers récemment écrits, notamment un travail de l'AREP qui est la plus grosse agence d'architecture en France que dirige Philippe Bihouix, que certains connaissent dans la salle.

Je crois. Ils ont fait la prospective carbone du Luxembourg. Et ce qui se dit, et ce qui se dit aussi dans d'autres tribunes parce qu'il y a récemment je crois Raphaël Raphaël Ménard qui a co-signé un papier avec Jean-Marc Jancovici. Puis "Encore heureux", une école, enfin une agence d'architecture française. Ce qu'on dit, c'est que demain il faut arrêter de construire en fait. E'est ce qui se dit et il y a une il y a un consensus là dessus et c'est une belle introduction, je crois, pour ce que tu portes Bouygues le dit aussi d'ici 2050, ils disent : 95 %, ce sera de la rénovation.

En fait, il faut qu'on fasse avec et le faire avec ce n'était pas dans le logiciel. La sobriété n'est encore pas dans le logiciel il n'y a pas longtemps, bien qu'elle le soit dans le nôtre, mais dans les logiciels officiels, elle n'existait pas. Et du coup, faire avec plus la sobriété, plus quelques apports justement sur l'efficacité énergétique va peut être permettre d'arriver à des trucs qui fonctionnent. Merci beaucoup pour la main tendue. C'est vrai que pour illustrer ça tout de suite. Et puis après je développerai un petit peu, mais nous on a deux étudiants l'année dernière, ont travaillé justement sur un chantier qui était l'arrêt de la construction neuve en Ile de France avec le Grand Paris.

Alors, c'est encore plus pertinent parce que le Grand Paris, c'est on construit des habitations pour des gens qui vont, qui n'auront pas les moyens de se les acheter. Donc en plus, c'est pas vraiment des habitations, c'est plutôt des produits financiers en fait. Mais ça, on va pas développer ça ici et maintenant. Mais voilà. Et effectivement, ce qui est intéressant, c'est que ça avait l'air d'être de la prospective il y a un an. L'arrêt de la construction, la bascule vers une économie de la réhabilitation et de la maintenance et les acteurs du BTP, effectivement, ne disaient pas il y a un an "il ne faut pas faire ça".

Ils disaient : "On ne sait pas faire ça" Ce qui est très très différent. Mais à aucun moment ils disaient il ne faut pas aller dans cette direction, mais on n'ira pas parce qu'on ne sait pas faire. Un an plus tard, le discours a quand même beaucoup changé.

C'est assez intéressant, c'est un des secteurs, je pense que justement, les choses avancent de manière assez assez intéressante. Et d'ailleurs, j'en veux pour preuve que je discute avec une entreprise pour continuer à travailler sur des questions comme ça, qui fait des briques et des tuiles. Et quand je présenté un peu ce sur quoi on avait travaillé, un an plus tard, ils m'ont dit... [Bon,moi, je m'occupe d'une formation en design sur des questions de fermeture, d'arrêt, de démantèlement de choses comme ça.] Et en fait, ils m'ont dit OK.

Alors l'arrêt de la construction en France, en tout cas à l'étranger, c'est encore autre chose. Mais en France en tout cas, on voit bien. C'est peut-être sans doute l'avenir de notre entreprise. Par contre, ils m'ont dit Mais c'est quoi cette histoire de design ? Donc c'est intéressant parce que la sobriété l'arrêt, la fermeture et démantèlement, ça, ils avaient compris.

Par contre, c'était le bon. Je dis c'est pas grave, l'important c'est que vous ayez compris la fermeture. C'est là qu'effectivement les efforts doivent doivent porter Et effectivement, je pense que c'est important de voir par rapport à la question technologique de manière plus, de manière plus large. il y a une promesse toujours qui est formulée par la technologie. Moi, j'ai travaillé pendant trois ans dans un institut. Je suis philosophe.

J'ai travaillé pendant trois ans dans un grand institut d'informatique en France, qui s'appelle INRIA et l'ancien sous titre parce qu'ils l'ont enlevé d'INRIA. C'était J'ai oublié, mais c'était construire le monde numérique ou un truc comme ça, avec l'implicite que demain le monde allait être numérique. Il y avait pas de discussion à avoir. C'était un monde de smart city, c'était un monde d'objets connectés, de choses comme ça. Il n'y a pas de discussion, c'est sûr, c'est évident.

Ce qui est intéressant, c'est quand on creuse un petit peu. On se rend compte que si on regarde les les objets connectés, les objets connectés, c'est qu'on a laissé l'informatique ambiante. C'est Mark Weiser, c'est le milieu des années 80. et en fait,

C'est une innovation qui vient des années 80. Est ce qu'aujourd'hui, en 2022, avec l'urgence climatique, environnementale à tout niveau qui est la nôtre, on a besoin finalement d'une innovation du passé ? Et beaucoup d'innovations sont en fait comme ça. Ce sont des innovations venues du passé qui, une fois qu'elles sont industrialisées, ne sont pas forcément en accord avec la situation qui est la nôtre. Comme moi, j'appelle des futurs obsolètes.

En fait, on a énormément aujourd'hui des futurs obsolètes on hérite à la fois de futur obsolète qui sont ceux du passé, Je sais pas, moi, une ville tout béton, voilà la voiture volante, mais même la voiture tout court. En fait, d'une certaine manière, voilà la voiture à moteur thermique, mais sans doute le modèle de se déplacer avec une carlingue de plusieurs tonnes de métal individuellement, etc etc. Donc des futurs obsolètes. On pourra creuser ça plus tard. Et en même temps on hérite aussi de ceux qui viennent du passé en fait et en même temps on hérite de futurs qui ne sont pas encore advenus mais auxquels il faut peut être déjà mettre un terme avant même qu'ils n'adviennent : les objets connectés typiquement ou d'autres exemples qu'on peut prendre, dont on sait qu'on aura en plus du mal à les faire advenir, à leur fournir de l'énergie et qu'en plus ça vient en concurrence avec d'autres technologies éventuellement plus importantes.

Donc ça, on sait pas faire encore vraiment aujourd'hui, ne pas faire advenir des choses ou s'occuper effectivement du passé de l'existant pour lui donner une autre trajectoire. Et pour faire ça, on a besoin de technicité, mais d'une autre forme, sans doute de technicité donc ce n'est pas un abandon de la technicité. Quand on parle de "désinnovation", ce n'est pas un abandon de la civilisation, de toutes les valeurs, etc C'est un abandon finalement, d'une certaine manière d'envisager l'avenir avec toujours plus, très itérative, au profit finalement d'une véritable réappropriation dans un sens différent des techniques et de leurs enjeux politiques, évidemment. Ce que j'entends, c'est que finalement vous nous rassurez presque sur le fait qu'il y a un début de basculement, qu'on commence à changer un peu de paradigme sur la vision qu'on a de la place, de la technologie, du high tech, du low tech, du numérique, etc. Mais

je ne suis pas sûr que ce basculement soit vraiment fait. Alexandre là je vois peut être que tu complètes un peu sur un point. Excuse moi Eric. C'est que finalement, il y a ici la manière de comment est ce qu'on fait pour opérer ces fermetures, comment est ce qu'on trouve des protocoles pour renoncer ? C'est pas si simple que ça. Il y a des actifs engagés psychologiquement, ce n'est pas simple pour tout le monde. Donc est ce que toi tu peux nous en dire un peu plus sur ce que tu proposes là dans ce master ? Alors effectivement, nous, on travaille pas simplement à détacher les gens pour leur dire bon il y a de la mauvaise fermeture.

D'une certaine manière, on sait faire la mauvaise fermeture, c'est la fermeture néolibérale : On ferme une usine dans un endroit, on en ouvre une dans un autre endroit du monde. Et puis les gens se débrouillent. Avant il y avait des plans sociaux, maintenant il y a de moins en moins de moyens pour ça.

Et voilà. Effectivement, ce n'est pas de ça dont il s'agit, c'est plutôt de comment est ce qu'on repolitise ces questions ? Comment est ce qu'on accompagne les personnes qui sont attachées à des infrastructures, à des modèles économiques, à tout un ensemble de choses dont on sait aujourd'hui vraisemblablement mais on peut en délibérer avec elles, justement, qu'elles ne sont pas pérennes. Comment est ce qu'on les associe à cette délibération, notamment pour imaginer, par exemple, ce qu'on appelle des protocoles de renoncement et des choses comme ça qui ont été testées avec la ville de Grenoble, avec 120 citoyennes et citoyens qui ont été tirés au sort pour voir si ils ou elles pouvaient ou voulaient renoncer à un certain nombre d'infrastructures municipales qui vont être, qu'il va être pragmatique de maintenir dans les prochaines années.

Comment est ce qu'on arrive à opérer finalement un travail démocratique sur ces enjeux là ? En prenant en considération tous les attachements ? Dans l'exemple en question, qui était l'exemple des piscines municipales à Grenoble par exemple, un attachement très fort des catégories populaires. c'était notamment le fait d'apprendre à nager aux enfants via ces infrastructures. Ce que les catégories plus bourgeoises n'ont pas forcément parce qu'ils peuvent aller à la mer ou ailleurs.

Là, il y avait un vrai enjeu de sécurité pour ces catégories là. Comment est ce qu'on arrive à maintenir éventuellement ce service ? cette sécurité, cet attachement à cette réalité là qui est tout à fait légitime sans forcément maintenir l'infrastructure sous jacente ? Et comment est ce qu'on arrive à politiser un débat comme celui ci ? Donc, effectivement, regarder, comprendre les attachements, c'est extrêmement important, notamment pour ne pas effectivement penser sous un angle uniquement encore une fois, de mauvaise fermeture. C'est en se disant on va fermer tous les éléments qui aujourd'hui sont néfastes pour l'environnement et ils sont nombreux sans forcément prendre en compte les attachements.

Donc ça va être brutal, ça n'a pas forcément être démocratique, mais comment est ce qu'on arrive à faire autrement ? Et en fait, on est face à un paradoxe pour moi absolument crucial aujourd'hui, on est attaché à très court terme à des infrastructures à des modèles, à des technologies qu'on ne peut pas maintenir à moyen terme. On ne peut pas en sortir à très court terme parce que les gens ne peuvent pas en sortir du jour au lendemain. On ne peut pas les maintenir à moyen terme. Qu'est ce qu'on fait ? Et bien tout l'enjeu, justement, c'est de trouver une ligne de crête entre les deux et de savoir comment est ce qu'on arrive à détacher les personnes le mieux possible, démocratiquement, de manière non brutale, en factorisant, en leur attachement pour les rattacher à autre chose et à d'autres réalités.

Donc, ce n'est pas une position technophile, ce n'est pas une position technophobe on va dire tout ce qui est hors des limites planétaires doit disparaître parce que ça va être compliqué à très court terme. C'est une position qui essaye de tenir justement les deux parce qu'on a aussi des populations qui sont attachées légitimement à des technologies si vous dites aux gens c'est super, non, on est jeune, il y a un discours comme ça, un peu en ce moment, on va partir, on va aller dans les champs. Et puis quand on a des corps jeunes, on va pouvoir cultiver la terre etc. Oui,

mais des gens qui sont en situation de handicap, qu'on n'ont pas des corps jeunes ou qui sont dans d'autres situations. Que deviennent ces personnes là ? Ces personnes qui ont aussi d'autres attachements légitimes aux technologies ? Qu'est ce qu'on en fait ? Comment est ce qu'on politise ces questions ? Il n'y a pas une réponse unique vis à vis de ça. Par contre, il y a des réponses effectivement qu'il faut inventer en élargissant effectivement le spectre des outils démocratiques. Eric, tu voulais réagir ? Oui, en fait, dans ce que j'entends là, on a une tendance en France, pas mal dans le monde occidental, pas mal.

Maintenant, quand on parle technologie, on pense à la tech, donc c'est tout de suite. Les usages qui deviennent numérisés ? La smart city, c'est l'obsession, mais tout le monde, y compris des fonds d'investissement. Moi, ces gens que je côtoie tout le temps, des fonds de Venture et ils veulent dire je veux faire du vert, je veux faire de la techno, je veux faire de la tech, il faut verdir la tech, donc évidement faire de la smart city, faire du des objets connectés qui vont mais qui vont être plus verts mais qui en vérité qui vont faire un effet rebond juste monstrueux alors qu'il y a d'autres pays dans lequel j'ai beaucoup voyagé.

Et ou parfois j'investis ou ou sur d'autres technologies qu'on peut amener. On a du mal à amener des gens sur des choses qui sont la technologie qui va juste nous permettre ce que je dis tout à l'heure maintenir un niveau de vie sans aller chercher quelque chose d'incroyable. Moi, ce que j'appelle maintenir le niveau de vie, c'est est ce qu'on est capable de faire des intrants pour l'agriculture qui soient moins nocif pour l'environnement et plus décarboné ? Moi, je suis pour l'agroforesterie et tout ça, j'investis même dedans, mais on va l'enlever. Donc ce que je dis, juste que les ressources, même des jeunes, sont obsédés par créer des choses, technologiser tous les usages, alors qu'il y a un endroit où on a intérêt à se bouger les fesses pour changer les technologies. C'est des vieilles technologies sur lesquelles on n'a pas le choix mais d'agir. Par exemple décarboner les engrais décarboner les pesticides, décarboner même s'il faut les réduire.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas réduire les pesticides, et ça, ça attire pas les ingénieurs. Vous demandez à Centrale Supélec J'ai fait un test qui voudrait aller dans la chimie ? Qui voudrait aller dans l'acier ? Pourtant, ArcelorMittal, par exemple, va sans doute en train de monter la première usine qui va être vraiment avec la réduction directe. C'est extrêmement utile.

Pour faire des véhicules électriques, il faut décarboner l'acier qui va dans ces véhicules électriques aussi. Ça c'est utile. Ça va pas occasionner vraiment d'effet rebond. ça technologise pas des tas de choses nouvelles, mais ça, il faudrait qu'on s'y attelle. Donc moi comme ça, moi je veux. En ce moment, je suis en train de pousser des fonds à aller mais aller aider ces secteurs pas géniaux à se décarboner parce qu'ils sont essentiels à notre vie de tous les jours, même pour faire l'acier de cette chaise par exemple.

Et n'allez pas forcément vers le dernier truc IOT totalement truc qui va occasionner des effets rebonds gigantesques. Mais faire passer ce truc là. Ah oui, décarboner l'acier, c'est de la haute technologie ? Oui, c'est de la haute technologie sur lequel il faut mettre des moyens. Parce qu'en plus l'effet est gigantesque.

Je peux vous donner l'heure d'idée. Dunkerque, le site de Dunkerque sidérurgique, c'est 10 millions de tonnes de CO2. C'est juste énorme.

S'ils font ce qu'ils disent, ce site va peut être passer à un ou 2 millions de tonnes d'ici dix ans. C'est énorme, ça, c'est vraiment utile. Il n'y aura pas d'effets rebonds, là n'aura pas d'effets rebonds. Et ça, la technologie, je dirais, elle est très utile.

Elle n'est pas en train de nous entraîner vers un peu les utopies technologistes que vous décrivez tous les deux et qui m'inquiète beaucoup aussi. Sur la question des fertilisants. J'étais il y a deux jours en table ronde à Bordeaux avec une start up qui est en train de lever beaucoup de millions avec des grosses boites qui frappent à la porte. Ils sont en train de faire des fertilisants avec du pipi enrichi en bactéries et en sucre. Voilà, c'est un mec qui s'y est mis tout seul.

Et puis petit à petit, en fait, il a commencé vraiment à avoir du succès avec son son, son ou sa boite qui s'appelle Toupie qui lève aujourd'hui des millions. Et et il y a, il y a alors moi je connaissais. Il y a des laboratoires de l'EPFL en Suisse romande, en Suisse alémanique, pardon à Zurich qui travaille sur un truc qui s'appelle Aurin aussi. Donc ils ont mis dans l'université carrément des circuits séparés pour récupérer l'urine, pour en faire des fertilisants. Ça marche très très bien. Et là il y a cette boite, donc les investissements sont un peu ouverts.

Mais il y a aussi des choix et je ne vais pas citer les acteurs qui frappent à la porte, mais ça leur fait même un peu peur. Il y a des systèmes qui sont tout à fait intéressants aujourd'hui, avec des gens qui se lancent dans des projets. Je crois que c'est aussi une question de vision politique sur la tech tout est technologique quand même. Y compris la chaise. Philippe Bihouix en parle très bien.

Un vélo, c'est ultra technologique. On a du mal à fabriquer un vélo. Donc le moindre outil, la moindre paire de lunettes concentre en fait énormément de techniques et de technologies qu'il faut se réapproprier aussi Ce qu'on voit dès qu'il y a un grain de sable dans le canal. Il y a des choses qui fonctionnent plus dès qu'il y a le Covid avec des confinements, il y a plein de choses qui fonctionnent plus les semi-conducteurs ça met à l'arrêt des fabricants d'imprimantes qui mettaient des puces sur chaque, sur chaque cartouche d'imprimante. On se demande si c'est vraiment une utilité, mais ça met à l'arrêt aussi des chaînes entières de fabrication de véhicules électriques et même de véhicules thermiques.

Parce qu'ils embarquent tous aujourd'hui plein de technologies Donc voilà la question du boson aussi. Je crois qu'on peut être très heureux avec vachement moins de technologie, enfin de technologies obsolètes on va dire, ou en tout cas de futurs obsolètes. Et c'est vrai qu'on hérite énormément de visions des années 70 où c'était la fiesta et on se disait c'est open bar sur la planète. Aujourd'hui les choses ont un peu changé.

Je crois que on sait qu'il y a un consensus sur la question des limites et donc il faut qu'on s'y mette tout de suite. Sinon en fait, ça met en danger aussi des business en fait entiers. Donc ce n'est pas qu'une question aussi de sauver la planète comme on dit.

En fait, on sauve pour commencer son slip, je crois. Là, tu parlais de ça, tu touches un peu à ce qui est éducation Une des choses sur lesquelles on a pas mal insisté dans le PTEF parce qu'il y avait des conflits de ressources. Quand on a écrit le PTEF, ce qui était intéressant, c'est qu'on voulait décarboner une trajectoire cohérente. Et c'était pas tellement le décarbonation de chaque secteur qui était intéressant. C'était la baston, si je puis dire, entre les secteurs pour dire moi j'ai besoin d'électricité décarbonée par exemple, pour arriver à faire mon plan. Et on a vécu en interne ce qui va se passer, je pense, dans la vraie vie, c'est qu'on se roule par terre pour avoir des ressources.

Moi, j'avais envie, de relocaliser certaines productions de produits qu'on importe beaucoup, par exemple, comme les engrais. La France importe deux tiers de ses engrais et je n'ai pas eu tous les térawattheures que je voulais parce que la mobilité en avait besoin. Et ça va être le bon modèle. C'était super intéressant. Mais ce qui est inquiétant, c'est qu'il va falloir véritablement former énormément les gens.

Parce qu'aujourd'hui, par exemple, on voit des start up qui se lancent sur : "Je vais créer le premier véhicule léger à hydrogène." J'en ai vu le jour qui présentait un dossier. Je l'ai vu passer le dossier en tant qu'investisseur et je me dis : Mais le pire, c'est qu'ils vont trouver des fonds parce que c'est à la mode. Non, mais alors qu'on sait qu'aujourd'hui dans les travaux qu'on a fait que, là où l'usage de l'hydrogène, parce qu'il y aura des conflits d'usage, que tout le monde pourra pas avoir tout l'hydrogène décarboné dont ils rêvent. Il vaudrait mieux aller le mettre par exemple dans l'usine ArcelorMittal. Où ça a un impact énorme parce que c'est un site à équiper.

Pas besoin de bâtir une infrastructure complètement démente. Par contre, les élus, je pense qu'ils vont être ravis de faire une photo avec la petite voiture à hydrogène hyper mignonne. Ils vont faire investir leur ville tout ça pour peut être dans six ans, tout abandonner par exemple. Mais là, il y a un besoin juste, énorme, parce que ce qui fait sexy dans les technos, c'est ce qui risque de l'emporter sur ce qui est... C'est vrai que ça vous fait pas rêver quoi ? Une usine sidérurgique décarbonée ? Moi ça me fait rêver, mais j'ai l'impression d'être bizarre.

Et il y a une notion de conflit d'usages. Il y a une notion d'un physicien belge qui travaille à Paris, Joseph Aloys, que j'aime beaucoup, c'est l'idée de technologies zombies. Et en fait, nous, on vit dans des technologies zombies, notre modèle de technologie.

Aujourd'hui, c'est un modèle de technologie zombie. Ce qu'il entend par technologies zombies, ce sont des technologies dont on sait déjà que, à très long terme, on ne va pas pouvoir continuer à être sur ce mode de technologie là. Parce qu'on a besoin d'extraire des ressources finies.

Donc ça veut dire qu'à l'échelle de plusieurs siècles, c'est pas tenable, ou même avant, parce qu'après c'est et en plus. Donc ce n'est pas tenable en amont et ce n'est pas tenable en aval parce qu'on prend des ressources finies dans les couches en sous sol et on les rejette ensuite sous des formes qui ne vont pas forcément être justement réutilisables etc. Donc on va chercher ce qui est pas rare mais limité à un endroit et on le rejette sous forme de déchets qui eux par contre ne rentrent pas dans les grands cycles biochimiques et donc s'accumulent dans les couches géologiques de la terre qui aujourd'hui, si mes souvenirs sont bons, sont composés de plastiques, d'os de poulet et de métaux rares issus de nos déchets électroniques ou informatiques, ce qui n'était pas le cas les siècles précédents. C'est nouveau quand même.

Et donc, comment est ce qu'on arrive à sortir finalement de ce modèle là aussi des technologies zombies ? Il en appelle par exemple à travailler sur des technologies alors soit moins zombie. ça peut être ça aussi la décarbonation. C'est "dézombifier" Un petit peu nos technologies existantes, soit aller vers des technologies vivantes, c'est à dire des technologies qui elles, rentrent dans les grands cycles biogéochimiques. Et ça, effectivement, ça demande de faire de la recherche. Donc ça veut dire qu'on peut avoir une approche qui soit à la fois technocritique, qui pense en même temps les questions de démantèlement, de dézombifier les choses, et qui en même temps nous dit "oui mais en même temps, on ne peut pas imaginer d'humains sans technologie" Sans civilisation, il y a débat mais sans technologie, il n'y a pas débat.

Il n'y a pas d'anthropologue, il y a des humains sans technologie, donc ça effectivement, c'est un grand enjeu. Après, on a un problème de temps, de temporalité, est ce qu'on peut maintenant accoucher comme ça d'un nouveau modèle avec que des technologies zombies ? Ça, c'est un point important. Puis quand même un point que je voulais mentionner, qui reste malgré tout problématique, c'est que là on parle de questions environnementales.

Et si je prends l'exemple, j'ai mon smartphone qui est dans ma poche. Mais vous pouvez imaginer que dans ma main j'ai un smartphone. On a à peu près toutes et tous quand on est nombreuses et nombreux à en avoir. Alors oui, on va dire aujourd'hui, le smartphone, ça fait partie de ces technologies zombies.

Il faut aller chercher 1000 et un métaux pour le fabriquer. Ça rentre en concurrence. D'ailleurs, avec d'autres usages, même si ça peut être très utile dans les sociétés qui sont les nôtres. Mais il y a des problèmes sous jacents. Il n'y a pas que des problèmes environnementaux derrière ça. On en prend conscience par l'angle environnemental.

Mais le smartphone, c'est aussi des proto esclaves à Taïwan, des proto esclaves au Kivu, au Congo qui vont chercher les métaux dans les mines. Et donc c'est ça aussi. Donc il y a aussi ce révélateur là que les enjeux environnementaux, dont les enjeux environnementaux nous permettent de prendre conscience. Mais qui est là et qui doit aussi nous amener à politiser autrement ces questions, au delà simplement d'une écologie de l'environnement. Une écologie élargie aussi de savoir qui produit tous ces dispositifs, dans quelles conditions, etc, etc. Ce que vous nous dites aussi, c'est que finalement il y a des choses à faire partout.

Il y a des fois des choix à faire entre faire la révolution technologique ou faire l'évolution technologique. Certainement qu'il faut arriver à trouver où mettre le curseur en fonction des sujets il y a les conflits d'usages, donc forcément des choix à faire. Par contre, la table ronde s'appelant tech et sobriété, je vous interrogera spécifiquement sur ce sujet. La sobriété, on peut entendre différentes choses par la sobriété.

Quel peut être le rôle de la technologie justement dans la sobriété ? Est ce que c'est isoler les bâtiments pour moins chauffer ? Est ce que ça marche vraiment ? Est ce que c'est influencer les comportements avec le numérique ou est ce que la sobriété, c'est juste un geste individuel ? Qu'est ce que vous en pensez ? Il y a le rapport sur lequel s'est appuyé Emmanuel Macron, un rapport de RTE qui reprenait la SNBC, qui nous dit qu'à échéance 2050, le but si je dis pas de bêtises dans le budget carbone, pardon le budget énergétique de la France doit diminuer de 40 %. Et effectivement, ce qui est mis en avant dans ce rapport, c'est notamment l'électrification parce que c'est beaucoup plus efficient que soit les centrales thermiques, soit les moteurs thermiques Et donc on se dit qu'on va y arriver par l'efficience. Je pense que tous les gens qui sont à peu près sérieux savent qu'on n'y arrivera pas par la seule efficience.

Par contre que l'efficience est une nécessité donc c'est là où c'est compliqué, c'est à dire qu'on ne peut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. On a besoin d'un maximum d'efficience aujourd'hui. Par contre, si on laisse l'efficience à elle même, on est dans des stratégies de greenwashing et là on maitrise pas du tout les effets rebonds. S'il n'y a pas une vraie volonté politique en fait, d'avoir une véritable efficience, en fait encadrée par une forme de sobriété, alors l'efficience va se retourner contre elle même et ça va donner lieu à des effets rebonds. On n'y arrivera pas et du coup aujourd'hui on nous dit qu'on est en capacité d'atteindre ce chiffre là d'une réduction de 40 % par l'efficience, alors qu'en fait je pense que les gens savent très bien que ce n'est pas atteignable et que donc c'est une manière de ne pas encore parler de sobriété mais de préparer finalement un débat à venir qui est difficile d'avoir aujourd'hui pour les femmes, les hommes politiques, autour des questions de sobriété. Et la sobriété.

cest effectivement un enjeu très important. Je distingue un collègue. On a publié un papier là dessus récemment de manière très rapidement d'envisager la sobriété. Une manière que j'appelle la sobriété extensive, c'est à dire effectivement une réduction de notre empreinte.

Ça, il n'y a pas, il n'y a pas à tortiller. Il va falloir surtout dans les pays du Nord, du Nord global comme on dit réduire, réduire l'empreinte. Après, il ne faut pas uniquement voir ça sous l'angle très individualiste de la sobriété heureuse. Moins c'est toujours mieux. Il y a un côté un peu moralisant comme ça. Vous allez voir, vous avez vu dans un monde, moins c'est mieux. Oui, enfin, ça s'appelle aussi la pauvreté.

Et effectivement, les premières personnes qui sont sobres aujourd'hui, ce sont les pauvres. Et ça ne se passe pas toujours bien parce que dans un cadre qui n'est pas accueillant pour les pauvres, ça ne peut pas bien se se passer. Et du coup, comment est ce qu'on arrive à la fois à réinvestir le moins par une forme de mieux ? C'est comment est ce qu'on arrive à réimaginer des formes sociales pour dériver du contentement, du plaisir, de la satisfaction qui passe pas que par un rapport ascétique à la sobriété. Par exemple

jouer d'un instrument, ça demande pas une empreinte carbone énorme, beaucoup moins qu'un groupe qui prend l'avion et se déplace, fait une tournée, etc. Pourtant, on peut en dériver effectivement du contentement. Il y a un principe où par la répétition on peut dériver une forme de contentement.

Et derrière, il y a quand même un enjeu qui est fondamental. C'est un enjeu collectif parce que le facteur premier, pour que la sobriété demain soit acceptable, c'est la lutte contre les inégalités. C'est extrêmement clair s'il n'y a pas de lutte contre les inégalités. Si vous dites aux gens qui sont déjà pauvres, soyez encore plus pauvres. Mais ce n'est pas grave, il y a des milliardaires qui vont prendre leur jet pour aller voter.

Ça ne va pas bien se passer ça, c'est la recette pour une guerre civile. Très clairement, je préfère dire les choses cash. C'est très clairement la recette pour une guerre civile et légitime en plus. Donc, il y a effectivement un enjeu à faire, que la sobriété soit, qu'on crée les conditions politiques qui rendent acceptable la sobriété.

Et ça passe effectivement en premier lieu mais ce n'est pas la seule mesure, par une lutte. Alors c'est pas tout à fait ce qui est dans les tuyaux aujourd'hui, mais par une lutte sévère contre effectivement les inégalités. Voilà, j'ai constaté quelque chose à l'époque j'étais patron de boite par rapport à ce que tu dis sur les inégalités.

C'est qu'en général les premières voitures hybrides ou électriques qui apparaissaient dans les parcs automobiles, c'était toujours les voitures des dirigeants. En général, ils prenaient la plus grosse allemande possible, alors que c'est eux qui font moins de kilomètres parce qu'ils habitent dans le 16ᵉ puissent aller au bureau, à la défense. Donc ça faisait quatre bornes et demi. Et alors que si on avait équipé les petites mains qui font de l'assistance technique, on aurait pu faire vraiment de l'économie. Mais ça, c'est, on le voit et on voit aussi aujourd'hui, par exemple, je regardais l'autre jour. Je suis passionné par la Chine, j'y ai passé beaucoup de temps j'ai fait beaucoup de business qu'effectivement des boîtes aujourd'hui, ça devient courant, sortent des voitures les quatre quatre électriques avec des batteries de 90 ou 100 kilowattheures.

Et là, on se dit effectivement que je pourrais équiper... Voilà, c'est ça. Mais c'est alors qu'en fait, ils vont envahir le marché. Ils vont arriver en Europe et les Européens vont faire la même chose. Avec les voitures allemandes, on fait la même chose. En fait, je pourrais sans doute équiper trois voitures avec 30 kilowattheures et ça, ça irait très bien.

Donc on arrive à un point où effectivement, dans l'imaginaire, moi je le vois bien, je suis d'un milieu très privilégié. Je côtoie énormément de patrons de boîtes. L'idée de renoncer à des énormes voitures ou à de la classe affaires. Ou alors moi je suis pas dans un milieu ou on prend des jets.

Je n'ai pas atteint ce niveau là. Désolé, je reste dans la PME et et changer l'imaginaire de ces gens, c'est extrêmement difficile et on passe très vite [Je me dis parce que je suis passé un peu du côté du Shift Je suis un peu une anomalie] pour un extrémiste en proposant pas grand chose. Moi j'étais il n'y a pas longtemps aux Assises européennes de l'énergie à Genève, et j'ai eu l'occasion de participer à des groupes de travail sur la question de la sobriété et donc de discussion entre élus qui expliquait combien c'était difficile de baisser d'un degré la consigne de chauffage dans certains bâtiments. Mais certains l'ont fait et du coup, l'idée derrière ça, c'est de rassembler les élus entre eux pour que ceux qui l'ont fait et qui ont réussi à le faire, expliquent aux autres comment ils ont fait. Est ce qu'ils ont commencé à parler à leurs équipes, quel vocabulaire ils ont utilisé ? Combien de temps ça a pris ? Parce que l'ingénierie du changement, c'est une vraie science, une vraie science sociale qui fait appel aussi à des designers de temps en temps, qui fait appel à des à des expériences. C'est à dire que il faut profiter de ce qui marche et de ce qui ne marche pas.

Et puis partager et puis dire. Là, je me suis pris un pain, ça n'a pas fonctionné. Ne faites pas pareil parce que vous allez au casse pipe. Pourquoi ? Parce qu'il faut beaucoup de courage pour la sobriété en fait, ne serait ce que pour descendre de quelques degrés ou en tout cas d'1 degré de consigne.

Les écoles ou certains bâtiments publics, etc Après, on vit dans une situation assez inédite. Après le Covid, on se prend la guerre en Ukraine avec aujourd'hui, y compris les opérateurs électriques en Suisse que je citerai pas, qui ont beaucoup de barrages et qui se disent quand même que le réseau électrique va subir des secousses l'hiver prochain si ça continue comme ça. En France, on est aussi un peu tendu du string dans certaines régions, au niveau du réseau électrique et donc ça risque de casser. Ou en tout cas, il va falloir peut être se mettre aussi à collectivement être capable de décaler, comme l'annoncent les smart grid, les consommations de mon lave vaisselle ou de mon truc, de ne pas changer ma voiture électrique en même temps que tout le monde de baisser mon chauffage électrique même si j'ai plus de gaz et de peut être mettre un pull. Mais tout ça, en fait, c'est aussi des expériences d'ingénierie du changement dont on a besoin, d'ingénierie politique, d'intelligence collective.

Aujourd'hui, il y a des technologies qui nous permettent aussi de parler assez vite à beaucoup de gens. Utilisons à bon escient plutôt que se raconter des conneries sur Facebook, peut être. Essayons de voir comment on peut massifier la sobriété et je dirais l'adéquation sur les usages.

Que ce soit la voiture électrique, que ce soit les transports en commun, etc. La technologie en fait peut être tout à fait au service de la sobriété. Ça, j'en suis assez convaincu. De toute façon, là, on a un avantage, là c'est qu'il y a dans toutes les boites aujourd'hui, il y a un choc du coût de l'énergie et du coût des matières premières qui est gigantesque.

Toutes les participations auxquelles je participe où je suis au board ou j'aide le management. On est sur des hausses de coûts en matière d'intrants qui sont entre 30 et 60 %. Je ne suis pas dans les trucs extrêmes encore, il y a pire. Et donc c'est un gigantesque secouage de cocotiers qui fait que moi je suis plutôt assez optimiste sur les progrès à 2030, sur l'innovation continue, c'est à dire l'efficience dont tu parlais tout à l'heure. Je pense que ça va se passer plus vite à cause de ce gigantesque coup de pied aux fesses.

C'est un peu là, c'est un peu la vertu comme du capitalisme et des management des boites. C'est que tout d'un coup, ça ça réveille plus que n'importe quel discours. Voilà. Mais sauf que ça ne suffira pas, ça suffira pas. Ça c'est l'autre point.

Et notamment quand on veut aller vers de la rupture technologique pour décarboner l'existant. Le véritable problème, c'est que les industriels ont un réflexe immédiatement de de s'opposer au truc. Moi je l'ai vécu à l'intérieur. Je vous donne un exemple J'étais dans la chimie à l époque où l'Union européenne a voulu mettre en place une norme qui s'appelle Reach. C'est sur sur les polluants, en fait on renforçait la charge de la preuve.

En fait, il fallait démontrer l'innocuité des molécules chimiques et les enregistrer, faire des travaux etc. Je me rappelle, j'étais au syndicat européen et avant que ça sorte et vraiment le consensus était on va faire capoter cette norme parce que elle va nous coûter des milliards. C'est la fin de la chimie européenne c'était les gens étaient vraiment convaincus. Au fond d'eux c'est la fin des haricots pour nous. De toute façon on va délocaliser, c'est foutu. Voilà. Vingt ans après ou quinze ans après maintenant

il n'y a plus un chimiste européen qui penserait à revenir sur Reach. ça a forcé quoi ? La contrainte réglementaire elle a forcé à coopérer, ce que les gens faisaient pas. Non, je ne veux pas dépenser des millions pour enregistrer ma substance parce qu'en réalité, toi et moi on fait une substance.

Si on coopère un peu, bah oui, du coup ça va nous coûter beaucoup moins cher. Les gens ont fait un nettoyage dans leur catalogue produit, ce qui était super efficace. Donc on a bazardé des tas de trucs parce avec les petites conneries qui polluent beaucoup et je les enlève, ça coûte trop cher à analyser et à enregistrer. C'est extrêmement bien et je pense qu'il va se passer la même chose.

Mais c'est pour ça que les boites souvent refusent les contraintes alors qu'en fait elles devraient peser les cimentiers par exemple. Je sais pas, certains d'entre vous connaissent la RE2020. La norme, vous la connaissez tous dans le bâtiment, ça vous dit quelque chose ? Un truc vient de sortir. C'est pas très connu du grand public, ça met un plafond à la quantité de CO2 qu'on a le droit d'émettre lorsqu'on construit un mètre carré neuf La RE 2020 n'est sorti qu'en 2022. Pourquoi ? Parce que, notamment, les cimentiers ont tout fait pour saborder et continuer à raconter partout que c'est une catastrophe, que ça va être horrible, qu'on ne pourra pas construire, ça va exploser, alors qu'en fait, ça y est ils commencent à... Maintenant ils ont compris que c'était à peu près perdu.

Ils se rendent compte en fait, leur métier va devenir deux fois plus passionnant qu'avant. Mais ça, c'était incroyable. Je viens de ce milieu là. Je bossais dix ans chez Lafarge quand j'ai écrit mon rapport Béton pour Ciments Béton pour le PTF je me suis mis à dos à peu près la moitié de mon réseau professionnel.

Mais ça, c'est vrai. Et pas juste pour le mais juste pour l'anecdote, cette semaine, deux patrons de cimentiers qui m'avaient engueulé il y a six mois, ont appelé pour me dire ouais il faurait peut être que tu viens nous parler un peu des travaux du shift. Ah bon, "Now it gets interesting" Ce que tu dis, c'est que finalement, il faut arriver aussi à convaincre un certain public qui agit plutôt sous la contrainte, et quelques uns anticipent quand ils évaluent qu'il y a un risque pour la résilience de leur entreprise, là ils réagissent dans ce cas là. Ça, c'est la vertu du capitalisme. Tu l'as dit.

Donc il faut aussi une certaine pédagogie. Est ce que tu penses qu'ils sont assez formés à ces enjeux ? Est ce qu'ils les comprennent ? Ah non il ne faut pas de la pédagogie. Il faut des coups de pied au cul. Alors qui donne les coups de pied au cul ?

C'est le législateur c'est le législateur qui doit le faire, le législateur qui comprend ce qu'il fait. Parce que la réalité, c'est que le cimentier en réalité, il a dans ses cartons de quoi décarboner depuis 20 ans. Sauf que ça ferait moins de volume. Et comme c'est des gens qui pensent qu'en volume, malheureusement, ils pensent profits via le volume S'il n'y avait pas la contrainte, ils l'auraient pas fait. Alors c'est aussi parce que souvent, dans les instances professionnelles qui défendent les intérêts, je l'ai vu dans tous les syndicats où j'ai été, il y a rarement le patron qui peut avoir une vision un peu plus globale.

Il y a souvent le gars qui est en dessous, qui est un peu moins smart. Je parle cash. Qui est plutôt en fin de carrière d'ailleurs, à qui on dit toi, tu vas défendre les intérêts de notre industrie. Donc vas y, bats toi. Alors le gars.

donc dès qu'on propose un truc nouveau, il dit non, par principe. Alors que... Un exemple dont je me rappelle. Il y avait dans l'industrie, j'étais dans les adhésifs. A un moment, on avait dit le gouvernement avait dit : il va falloir organiser une filière du recyclage de tous les emballages, les pots. Vous allez devoir mettre en place une filière et vous allez payer ce qu'on appelle éco contribution volontaire obligatoire. C'est un truc, c'est le gouvernement qui avait mis ça au point.

Donc en fait, il faut monter un éco organisme en fait. Et tous les représentants des fabricants d'adhésifs au sein de l'association avaient dit c'est hors de question, ça va coûter trop cher. Oui, ça va coûter 1 € sur des produits qu'on vend, on ne sait pas. 40 €? Oui c'est vraiment insurmontable... Et aussi on se dit que c'est pourri.

Mais non, mais les gars avaient dit : par principe tous les représentants, y compris celui de ma boite avaient dit c'est impossible. On va se battre contre le truc. Et pour que ça passe, j'ai dû convoquer une assemblée avec les patrons des boites en question en disant : "les gars on déconne et vous le savez" "Oui c'est vrai mais pour l'année prochaine Ça va handicaper le budget." "Tu fais combien ?" "Ah, tu vas perdre 300 000 € mais en réalité on sait qu'il faut le faire."

Et le mec le savait très bien et on l'a fait et on a lissé les prix sur trois ans. Et puis ça a été fait, mais si on avait attendu que les gars en dessous, ils avaient intériorisé le truc : "Il faut que je me batte pour ma boîte, je vais dire non." Donc les mecs, ils disent non. On avait fait nous, par rapport à à la place du législateur. On avait fait des enquêtes auprès de ceux qu'on avait appelé il y a quelques années.

"Les patrons effondrés" donc ceux qui étaient patron le jour. Et puis aller à des cafés collapsos le soir ou la nuit, ou écoutaient en secret des podcasts de Jean-Marc Jancovici ou ses cours à l'Ecole des mines. Au hasard ou autre chose, il y a d'autres noms qu'on pourrait mentionner et je vois que vous en connaissez également. Ou peut être que vous en êtes et en fait nous, on avait discuté... On avait fait comme ça des interviews avec des patrons, des top managers. On a discuté notamment avec un VP d'une entreprise du CAC40 qui nous avait dit : "En fait, nous, on sait optimiser sous contrainte.

On est des industriels. Il y a une chose qu'on sait faire, c'est optimiser sous contrainte. Mais il faut nous mettre la contrainte et si on ne met pas la contrainte, on ne va pas pouvoir y aller tout seul." Et donc, on est un peu dans ce paradoxe d'un État néo libéral qui pense faire plaisir aux entreprises en dérégulant. Et puis des entreprises

qui se disent mais si moi je veux me saisir des enjeux environnementaux, va falloir me remettre de la contrainte et ça va pas toujours dans le même, dans le même sens. Et là, c'est une question intéressante. Effectivement, on voit qu'il y a parfois aussi des contradictions dans les politiques qui sont menées. Si je prends l'exemple du ZAN, zéro articulation nette qui est aussi un enjeu très important, et là aussi on entend un peu la même chose en disant Mais c'est ce que vous avez mis comme règlement, c'est pas possible, on va pas s'en sortir, on est mort etc. C'est intéressant parce que d'un côté, les collectivités continuent quand même à vivre de la construction neuve. Elles vivent pas de la réhabilitation et de la maintenance encore. Faudrait il y aller, mais ce serait très bien.

Et d'un autre côté on fait le ZAN et du coup comment on fait tenir les deux et en fait des contradictions comme ça il y en a beaucoup et ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle. Parce qu'il n'y avait pas de contradiction, ce serait bien pire, il n'y aurait pas de levier d'action. Et là, tout l'enjeu, c'est d'identifier ces contradictions comme des éléments stratégiques pour savoir comment est ce qu'on appuie sur ces failles là ? D'une certaine manière, comment est ce qu'on a ces prises stratégique pour que la contradiction se dénoue du bon côté, donc du côté du ZAN, et pas évidemment du côté de la construction neuve.

Et ça, je pense que c'est extrêmement important dans l'action qu'on peut, qu'on peut avoir. Et les élus d'ailleurs, quand on leur parle et qu'on veut leur tenir un discours pour écologiser un peu, entre guillemets, leurs, leurs pratiques et leurs actions, ça ne sert pas à grand chose de venir de l'extérieur et de dire, et même c'est un peu pénible, bon s'il vous plaît, soyez gentils pour l'environnement etc ça par contre on leur dit ah mais là, vous voyez bien que vous prenez des mesures pour qu'il y ait plus de voitures qui circulent et en même temps vous encouragez éventuellement des constructeurs qui fabriquent des SUV. Et qu'est ce qui va se passer ? Vous prenez des mesures pour continuer à construire, encourager à construire ou vous allez vers le ZAN, etc etc.

Et des contradictions comme ça, il y en a pléthore et ça par contre ça les touche parce qu'ils rendent compte que ça ne vient pas de l'extérieur. Ce n'est pas un impératif venu de l'extérieur, c'est de l'intérieur. En fait, ils ne sont pas alignés quand aux mesures qu'il faut prendre. et ça c'est extrêmement efficace, en tout cas c'est assez intéressant. Et de ce point de vue, c'est vrai qu'il y a tout un enjeu à repérer ces dynamiques pour pouvoir les appuyer. C'est vraiment un enjeu stratégique et par rapport au temps, c'est vrai qu'on a l'impression et ça ressort un peu de la discussion.

Les choses ne vont pas assez vite et moi, ce que je dis assez souvent c'est que ça ne va pas aussi vite qu'on le voudrait, mais ça va plus vite qu'on ne le pense. Ah ouais, vous pouvez le faire dans votre famille si vous voulez. ça, c'est l'effet pionnier où tout le monde. finalement, le ventre mou, c'est à dire les 80 % de la population, vont suivre les les 10% des pionniers au bout d'un certain temps. Ce que tu disais finalement c'est qu'après la justice sociale entre individus, pour agir, il y a besoin d'une justice entre entreprises, être soumis aux mêmes règles pour pouvoir dans le monde de la compétition mondialisée ou au moins européenne, pouvoir agir. Et c'est vrai qu'aujourd'hui on voit parfois des entreprises qui ne se saisissent pas d'enjeux qui sont extrêmement importants pour elles.

Parce que, justement, ça concerne un secteur entier. Et là, la rationalité qui est pas hyper rationnelle, c'est de

2022-09-20 05:10

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