Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo où on va parler d’hydrogène ! Et oui, il y a plus de deux ans, je vous avais promis quatre vidéos sur ce sujet. En fait, il en faudra même peut-être un peu plus pour en faire le tour. Aujourd’hui, on va se concentrer sur la question de la voiture à hydrogène. Précédemment sur la chaîne, comme on dit dans les séries à succès, on avait vu qu’il y avait de nombreuses manières de produire de l’hydrogène. L’hydrogène est déjà utilisé en grande quantité aujourd’hui dans l’industrie mais presque entièrement produit à partir de ressources fossiles et donc, en émettant beaucoup de CO2.
On avait également vu que l’hydrogène a déjà de nombreuses applications. Dans certains cas, comme la production d’ammoniac pour les engrais de synthèse, il est un élément irremplaçable. Dans d’autres comme la voiture qui va nous intéresser ici, il est ce qu’on appelle un vecteur énergétique. Il faut une source d’énergie pour produire l’hydrogène qui est utilisé pour déplacer la voiture. L’hydrogène est alors un intermédiaire dans une chaîne de transformation énergétique. Dans ces situations, l’hydrogène va se
retrouver en compétition avec d’autres sources d’énergie comme le pétrole ou avec d’autres vecteurs énergétiques comme l’électricité dans les voitures à batterie. Pour commencer, qu’est-ce qu’une voiture à hydrogène ? Une voiture à hydrogène est une voiture qui utilise pour se propulser du dihydrogène qu’on va appeler hydrogène dans la suite comme tout le monde. Généralement, quand on parle de voiture à hydrogène, on parle de voiture utilisant une pile à combustible. On pourrait aussi construire des voitures à hydrogène dans lesquelles l’hydrogène est brûlé dans un moteur, cette technologie est moins mature mais j’en toucherai quelques mots plus loin. Pour l’essentiel de la vidéo, je vais dire “voiture à hydrogène” pour désigner une voiture avec une pile à combustible. Une pile à combustible est un générateur électrochimique. Dans le cas qui nous intéresse,
la réaction chimique entre l’hydrogène qu’on a mis dans la voiture et le dioxygène de l’air produit de l’électricité, de la chaleur et de l’eau. Une voiture à hydrogène est donc une voiture électrique. Une partie de l’équipement d’une voiture à hydrogène est identique ou proche d’une voiture à batterie. Ces deux véhicules possèdent, par exemple, les mêmes moteurs. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, la majorité des moteurs de voitures électriques utilise aujourd’hui des terres rares. Cette utilisation sera similaire dans les voitures à hydrogène et à batterie vu qu’il n’y a pas de terres rares dans les batteries. Pour ceux que cette sous-question
intéresse, j’ai une vidéo dédiée. Une voiture à hydrogène possède d'ailleurs une petite batterie qui sert de tampon entre les besoins d’électricité et la production de la pile à combustible qui n’est pas très flexible. Cette batterie permet également de récupérer de l’énergie au freinage comme le fait une voiture à batterie ou une voiture hybride. En plus de la pile à combustible et de ses systèmes auxiliaires, la voiture à hydrogène doit disposer d’un ou plusieurs réservoirs à hydrogène. Regardons un cas concret. Aujourd’hui, il y a seulement deux modèles de voitures à hydrogène commercialisés en Europe: le Nexo de Hyundai et la Mirai de Toyota. Je vais prendre la dernière version de la Mirai parce qu’elle consomme moins et que j’ai trouvé pas mal de données sur ce véhicule.
Les voitures à hydrogène commercialisées aujourd’hui sont de grosses voitures plutôt coûteuses. Je vous montre ce qui existe mais n’interprétez pas ça comme de la publicité pour des voitures de ce gabarit. Je suis convaincu qu’il faut réduire l’utilisation de la voiture, leur nombre et leur taille. Je suis convaincu qu’on a des moyens pour le faire
avec un meilleur agencement des villes et du report modal vers des modes de transport plus efficaces d’un point de vue énergétique, matériel et, plus globalement, écologique. On va, encore, comparer des technologies de voitures mais le mieux reste clairement de se passer de voitures quand c’est possible et de rendre ça de plus en plus possible. Je signale également que ces évolutions technologiques ne résolvent pas tous les problèmes que posent les voitures. Les voitures prennent beaucoup de place, causent des accidents,
coûtent chers et poussent à la sédentarité avec les conséquences sanitaires que ça implique. Bref, revenons à notre Mirai, la version de 2020 peut faire un plein de 5,6 kg d’hydrogène en quelques minutes. 5.6kg, ça parait peu. Mais, ça suffit à remplir les trois réservoirs qui, à eux trois, contiennent 142 litres d’hydrogène et pèsent une centaine de kilos. Vu la taille de ces réservoirs, on commence à comprendre pourquoi les voitures à hydrogène sont plutôt grosses. Après… 142 litres pour 5,6 kg, des réservoirs qui pèsent 20 fois plus lourds que ce qu’il y a dedans… Vous êtes peut-être un peu surpris, alors faisons un point sur l’hydrogène. L’hydrogène a une très bonne densité massique d’énergie. 1 kg d’hydrogène
contient environ trois fois plus d’énergie qu’1 kg de diesel. Mais, l’hydrogène a une très mauvaise densité volumique d’énergie. 1 litre d’hydrogène contient très peu d’énergie. La température d’ébullition à pression ambiante du dihydrogène est très basse: -253°C. L’hydrogène est donc gazeux à température et pression ambiante où il faut
plus de 3 400 litres d’hydrogène gazeux pour avoir autant d’énergie que dans un litre de diesel qui a l’avantage d’être liquide. Bref, vous comprenez vite qu’on ne peut pas avoir de l’hydrogène à température et pression ambiante dans une voiture à hydrogène. Alors comment on fait ? On le compresse ! Mais on le compresse vraiment beaucoup. Une voiture comme la Mirai utilise de l’hydrogène comprimé à 700 bars et aller au-delà de cette pression est difficile pour des raisons physiques. 700 bars, c’est une pression énorme. La pression atmosphérique, c’est un bar, les pneus de voiture, c’est 2 comme les cocottes minutes sous pression. On est quand même
rarement environné de trucs à une pression folle à part ceux qui font de la plongée et dont les bouteilles ont une pression entre 150 et 300 bars. Et même à 700 bars, la densité énergétique volumique n’est pas folle. Avec les 142 litres d’hydrogène de la Toyota Mirai, elle est capable de faire environ 650 km.
Une voiture thermique de ce gabarit aurait une autonomie similaire avec un réservoir d’une quarantaine de litres. Pour parcourir la même distance, il faut que les réservoirs des voitures à hydrogène soient capables de contenir 3 à 4 fois plus de volume que ceux des voitures thermiques. De plus, ces réservoirs doivent être capables de contenir l’hydrogène qui est une très petite molécule qui a tendance à se glisser partout. Ils doivent être capables de supporter une très forte pression et doivent résister aux potentiels accidents pour ne pas libérer un gaz inflammable et explosif en cas de soucis. Ces réservoirs subissent des tests très importants donc je ne serai pas inquiet si je conduisais une voiture à hydrogène mais ces contraintes énormes ont des implications en termes de matériaux et de coût. Ce qui
fait la résistance extérieure de ces réservoirs constitués de plusieurs couches, ce sont des fibres de carbone, un matériau onéreux et polluant à produire. L’occasion de parler de l’impact de la production d’une voiture à hydrogène. J’ai trouvé une analyse de cycle de vie sur la production d’un système hydrogène similaire à celui de la Mirai. D’après cette étude, la production de la pile à combustible, de ses systèmes auxiliaires et des réservoirs à hydrogène émettrait autour de 5 tonnes d’équivalent CO2. Environ 40% de cet impact vient de la production des réservoirs en fibre de carbone et 40% de la pile à combustible. Pour la pile à combustible, la moitié de son impact vient du platine
qui sert de catalyseur. Les auteurs de l’article considèrent qu’il y a eu besoin de 30 grammes de platine et supposent que 30% de ce platine est issu du recyclage. L’utilisation de ces 30 grammes de platine émettrait une tonne d’équivalent CO2. En creusant un peu, je me suis rendu compte qu’il y a des divergences entre les sources sur la quantité de platine utilisée dans les piles à combustible et sur les émissions liées à la production de ce platine. Les versions les plus récentes de la Mirai utilisent plus probablement 10 à 20 grammes de platine plutôt que 30. Mais, on est, au minimum à
plusieurs centaines de kg de CO2 pour quelques dizaines de grammes de platine, ce qui justifie de discuter un peu plus de ce métal. Si on utilise de petites quantités de platine c’est parce que la présence d’un catalyseur dans la pile à combustible est indispensable à son fonctionnement. Le platine est un catalyseur très efficace et a aussi l’avantage de bien résister aux conditions acides de la pile à combustible. Au cours des dernières années, la quantité de platine utilisée
a diminué. Mais, même si on en cherche, il n’y a pas encore de substituts. Le problème, c’est que c’est un métal rare, coûteux et dont l’extraction est polluante. Et là, contrairement au lithium ou aux terres rares, on parle vraiment d’un métal rare au sens géologique. Ici vous avez l’abondance des éléments dans la croûte terrestre. Attention l’axe des ordonnées est en logarithme. On peut y lire, par exemple, qu’il y a environ un million de fois plus de lithium dans la croûte terrestre que de platine. Le platine fait partie des métaux précieux qui regroupent certains des métaux les plus rares sur Terre. Les minerais exploités sont très peu concentrés et pour obtenir un kilo
de platine, il faut extraire 2 millions à 6 millions de kg de minerais. C’est surtout ce facteur qui fait que le platine est, par kilo, un des métaux les plus polluants. Les émissions de gaz à effet de serre par kg que j’ai pu trouver sont plusieurs milliers de fois plus élevées que celles, par exemple, d’un kilo de cuivre. C’est aussi ce qui explique son prix qui est, au moment où j’écris, autour de 28 000 € le kg. Cet impact énorme par kg est tempéré, dans le cas de la voiture à hydrogène, par une utilisation en faible quantité: quelques dizaines de grammes par voiture.
D’ailleurs, on peut se demander à quoi sert le platine extrait aujourd’hui, après tout il n’y a pas beaucoup de voitures à hydrogène. Comme pour beaucoup de métaux rares et très polluants, le platine a une utilisation importante dans la bijouterie avec 25% de la demande. On parle souvent de l’utilisation des métaux dans les nouvelles technologies mais on remet, étrangement, assez peu en question d’autres usages dont les bénéfices paraissent pourtant discutables. On parle également plus rarement des usages courants en se concentrant sur les utilisations nouvelles… comme si la consommation métallique actuelle n’avait pas d’impact. D’ailleurs, l’autre usage important du platine, ce sont les catalyseurs automobiles avec 50% de la demande. En effet, le platine et des éléments proches sont utilisés dans
les pots catalytiques des voitures thermiques pour réduire la pollution de l’air en détruisant une partie des molécules toxiques qu’elles émettent. Ces pots catalytiques ont permis de réduire la pollution de l’air et ont donc sauvé des vies. D’ailleurs, on peut en profiter pour saluer le fait que les voitures à hydrogène et à batterie n’ont pas besoin de pots catalytiques pour réduire les émissions polluantes de la combustion puisqu’il n’y a pas de combustion. Alors, est-ce que je suis en train de vous dire que l’utilisation majoritaire d’un des métaux les plus rares sur Terre est dans le pot d’échappement des voitures thermiques ? Oui ! Et c’est plutôt une bonne nouvelle pour l’utilisation du platine dans l’industrie de l’hydrogène puisque le marché des voitures thermiques est amené à décroitre. Aujourd’hui, on utilise 2 à 7 grammes de platinoïde pour une voiture à essence et 5 à 10 grammes pour une voiture diesel. Je dis platinoïde parce qu’on utilise du platine mais également
un élément proche, le palladium. La moitié de la production mondiale de platine de 190 tonnes est utilisée pour les pots catalytiques. Si on est optimiste et qu’on considère 10 grammes de platine par voiture à hydrogène, ce qu’on met dans les pots catalytiques aujourd’hui suffirait à produire près de 10 millions de voitures à hydrogène par an. Et les réserves connues de platine permettraient d’en produire 7,7 milliards sachant que le parc automobile mondial actuel est de 1,4 milliards.
Si on regarde la production et les réserves, on note que 74% de la production et 90% des réserves déclarées se trouvent en Afrique du Sud. C’est un des métaux dont la production et les réserves sont les plus concentrées. Le platine peut devenir une contrainte au déploiement de la voiture à hydrogène mais ça dépend de nombreux éléments. Est-ce qu’on ouvrira plus de mines ? À quelle
vitesse peut-on le faire ? Est-ce que d’autres technologies vont utiliser du platine ? Surtout que le platine est aussi utilisé dans d’autres technologies de l’hydrogène et, notamment dans certaines technologies d’électrolyseurs ? Est-ce que parier sur 10 grammes de platine par véhicule est trop optimiste ? À l’inverse est-ce qu’on pourra faire moins à l’avenir voire le substituer ? Bref, il est difficile de trancher la question. Défendre l’idée d’une contrainte forte du platine sur le déploiement de la voiture à hydrogène est aussi hasardeux que de défendre l’inverse, que le platine ne peut pas être un problème. Mais, trancher cette question est un peu secondaire parce qu’on va voir que la voiture à hydrogène a d’autres défauts majeurs. J’ai surtout parlé de ce sous sujet parce que j’aurais eu des commentaires dessus si je ne l’avais pas mentionné. J’en profite pour souligner que vous vous trompez si vous opposez voiture à hydrogène et voiture à batterie en pensant que la voiture à hydrogène n’a pas d’impacts en aval ou pas de contraintes sur l’approvisionnement en matières premières. D’ailleurs tant qu’on en est à relever les points communs entre voiture à hydrogène et à batterie , et sans que ce soit la plus grosse limite, une pile à combustible comme une batterie se dégrade au fil du temps.
Et, je dois avouer qu’en creusant la question de la voiture à hydrogène, j’ai été pas mal surpris par toutes ces similitudes avec la voiture à batterie. Maintenant, je vais montrer ce qui les différencie. Pour entrer tranquillement sur ce terrain regardons d’abord si une voiture à hydrogène est mieux pour le climat qu’une voiture thermique. Je dois avouer ne pas être pleinement satisfait par les comparaisons que j’ai trouvées dans la littérature. Donc on va faire l’exercice nous-même. C’est un plus approximatif mais je contrôle les hypothèses et y a un côté pédagogique intéressant, vous pouvez refaire les calculs avec vos propres chiffres si vous n’aimez pas les miens. Si vous gardez des hypothèses crédibles, vous devriez rester d’accord avec les conclusions que je vais tirer de ma petite analyse.
Vu ce qu’on a vu précédemment, il est clair qu’une voiture à hydrogène émet plus de CO2 à sa fabrication que son équivalent thermique. Pour un équivalent thermique, j’avoue que j’ai un peu galéré et je remercie ceux qui m’ont aidé sur Twitter à trouver un bon candidat. Je vais prendre une BMW série 5 520d, un modèle diesel. Je n’ai pas de données précises sur la fabrication mais en me basant sur Climobil et mes précédents travaux, j’estime à environ 6 tonnes d’équivalent CO2 les émissions à la fabrication du véhicule. L’écart d’émission à la production entre nos deux voitures n’est pas évident à évaluer mais vu l’étude mentionnée plus tôt on peut faire une hypothèse de 5 tonnes, ce qui amènerait la Toyota Mirai à près de 11 tonnes de CO2 pour la seule fabrication. On discutera plus loin d’autres hypothèses. Une voiture à hydrogène démarre donc sa vie avec une pénalité, une dette
carbone. Voyons maintenant si à l’utilisation la Mirai peut rattraper ce retard. Dans une précédente vidéo, on avait vu qu’en prenant en compte l’amont du combustible, un litre de diesel émettait 3,17 kg d’équivalent CO2. La BMW sélectionnée est vendue avec une consommation annoncée entre 5 et 6l au 100 km pour les modèles les plus récents et une consommation réelle probablement un peu au-dessus de 6l mais qui dépend évidemment beaucoup des trajets et de la manière de conduire. Je vais donc prendre 6l au 100 km. Je vais également négliger l’entretien, ce qui est plutôt en faveur du véhicule thermique.
Alors, vous avez peut-être remarqué que je fais beaucoup de fleurs au véhicule thermique. J’ai choisi un véhicule sobre en carburant pour son segment, je choisis le diesel moins émetteur que l’essence, je néglige l’entretien, et je ne charge pas trop les impacts à la production. Je ne fais pas seulement ces hypothèses pour simplifier, je choisis volontairement un cas de figure avantageux pour la voiture thermique pour une raison simple: elle n’a aucune chance donc autant ne laisser aucun doute là-dessus. Et rien ne vous empêche de refaire des calculs avec des hypothèses que vous jugerez plus réaliste d’une voiture thermique représentative du segment de la Mirai. Avec toutes mes hypothèses, la BMW série 5 va émettre 190 g de CO2 par km.
Et la Mirai ? Directement, elle ne va émettre que de l’eau et de la chaleur... mais il a bien fallu produire l’hydrogène. Aujourd’hui, plus de 99% de la production dédiée d’hydrogène est issue de ressources fossiles avec une majorité provenant du gaz par le procédé de vaporeformage. Pour la
vidéo sur l’hydrogène, j’avais pris une quantification de 13 kilos d’équivalent CO2 par kilo d’hydrogène, valeur qui prend en compte les activités amont et, notamment, les fuites de méthane à l’extraction et au transport. Une fois produit, il faut encore transporter et compresser cet hydrogène avant de le mettre dans la voiture. C’est dur de trouver des quantifications pour cette partie mais je vais considérer qu’il faut 4 kWh pour le transport et la compression d’un kg d’hydrogène, ce qui revient à 10% de perte. C’est plutôt dans les estimations basses de ce que j’ai trouvé donc je suis sans doute un peu optimiste ici.
Par simplicité, je vais considérer qu’il s’agit uniquement d’électricité et comme on commence avec le gaz que cette électricité est produite à partir de gaz. Enfin, je vais prendre la consommation réelle de la Toyota Mirai 0,86 kg d’hydrogène pour 100 km. Avec tout ça, j’arrive à une estimation de 126 g par km pour l’utilisation de la voiture. Le bilan final dépendra de la durée de vie du véhicule mais sur ce gabarit on
est probablement un peu au-dessus de 200 000 km. Une voiture à hydrogène, même utilisant de l’hydrogène produit à partir de gaz, s’en sort donc mieux que son équivalent thermique au moins sur les émissions de gaz à effet de serre. Mais, ça reste pas top. Je pourrais ouvrir sur la question de la capture et séquestration de carbone associée à la production d’hydrogène à partir de ressources fossiles. Mais, je vais plutôt me concentrer sur l’hydrogène produit à partir d’électricité parce que c’est presque toujours ce qui est mis en avant quand on parle de voiture à hydrogène. Dans ma première vidéo sur l’hydrogène, j’avais pris les données de l’Agence Internationale de l’Énergie qui considérait qu’il faut 52 kWh d’électricité pour produire 1 kg d’hydrogène auquel j’ajoute 4 kWh pour le transport et la compression.
Il faut donc 56 kWh d’électricité pour mettre 1 kg d’hydrogène dans le réservoir d’une voiture à hydrogène. Supposons d’abord que ce soit de l’électricité entièrement produite à partir de gaz. Vous voyez que ce cas de figure est pire que d’utiliser de l’hydrogène produit directement à partir de gaz. Je l’inclus uniquement pour que vous compreniez bien qu’il ne suffit
pas d’utiliser de l’électricité… Il faut en plus que l’électricité ait été produite en émettant peu de gaz à effet de serre. Si on remplace une production directe d’hydrogène à partir de gaz par une production par électrolyse avec une électricité produite par du gaz, on ne fait qu’ajouter des étapes et donc des pertes d’énergie. Ne faites jamais ça. Et encore, j’ai choisi une estimation basse pour les émissions de la production
électrique au gaz. Alors j’aurais pu faire pire . Si on prend une voiture à hydrogène qui utilise de l’hydrogène produit par de l’électricité à partir de charbon, on est dans une situation bien pire que la voiture thermique . Prenons maintenant l’intensité moyenne de l’électricité européenne en 2021 qui était de 241 grammes d’équivalent CO2 par kWh. Vous voyez que les émissions induites
par l’utilisation sont proches de celles qu’on aurait en utilisant de l’hydrogène produit directement à partir de gaz. La France ayant une électricité moins émettrice que la moyenne européenne, c’est un cas encore plus avantageux. Et c’est encore mieux si on prend de l’éolien, du photovoltaïque, du nucléaire ou de l’hydroélectricité. Appelons tout ce groupe mix bas carbone et considérons une valeur moyenne de 15 grammes d’équivalent CO2 par kWh. Tout ça nous permet de conclure qu’une
voiture à hydrogène, sur l’ensemble de sa durée de vie, émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que son équivalent thermique si l’hydrogène est produit par électrolyse à partir d’électricité bas carbone. Elle compense largement l’impact de sa production en ayant de très faibles émissions à l’utilisation. Vous voyez que si on change un peu l’impact à la construction, ça changera le gain mais si on garde les hypothèses dans les limites du raisonnable, ça ne changera pas la conclusion. Même chose si on change un peu la consommation de la voiture thermique.
Alors là vous vous dites que peut-être que la voiture à hydrogène est intéressante pour réduire les émissions. Mais, son problème, c’est qu’elle a un sacré concurrent: la voiture électrique à batterie. Justement, ajoutons la pour comparer dans les situations où on utilise de l’électricité.
Après tout, l’électricité dans l’électrolyseur, on pourrait très bien l’utiliser directement pour alimenter une voiture à batterie. Supposons d’abord que l’impact à la production de la voiture à hydrogène et à batterie est identique. Ce qui peut se défendre et qu’on retrouve dans certaines études. Pour cet impact à la production, suivant l’hypothèse sur l’impact à la production des batteries, on a une voiture électrique à batterie avec une autonomie autour de 300 à 400 km. Si on compare dans le cas d’une électricité au gaz, dans le cas d’une électricité européenne, française ou dans un mix 100% bas carbone, on voit que la voiture à batterie s’en sort toujours mieux. L’écart étant d’autant plus grand que l’électricité est carbonée. C’est un point particulièrement
important alors essayons de comprendre pourquoi la voiture à batterie s’en sort toujours mieux. Tout découle d’une question de rendement, une voiture à hydrogène dont l’hydrogène est produit par électrolyse va avoir besoin de plus d’électricité par km qu’une voiture à batterie. Il y a des variations entre les sources et les hypothèses mais les quantifications sont, en général, entre 2 et 3 fois plus d’énergie nécessaire pour la voiture à hydrogène. Vérifions rapidement l’ordre de grandeur. J’ai dit que la Toyota Mirai consommait 0,86 kilo d’hydrogène pour 100 km et qu’il fallait 52 kWh d’électricité pour produire 1 kg d’hydrogène et 4 kWh pour le compresser et le transporter. On se retrouve donc avec 48 kWh pour rouler 100 km.
En face, prenons la grosse Tesla Model S, gabarit similaire, qui a une consommation de 15 kWh au 100 km. Si on considère 15% de perte à la recharge, 6% de perte sur le réseau de distribution d’électricité et 2% sur le réseau de transport d’électricité, on a besoin d’un peu plus de 19 kWh pour rouler 100 km. Je trouve donc que cette Tesla consomme 2,5 fois moins d’énergie pour parcourir 100 km que la Mirai. Et honnêtement, j’ai plutôt fait des cadeaux à l’hydrogène: pas de perte sur le réseau électrique avant l’électrolyse, et pertes pour la compression et le transport qui sont sans doute un peu basses. D’un autre côté, il y a des voitures électriques moins efficaces que des Tesla. Vous pouvez ne pas être d’accord avec mes hypothèses et refaire les calculs de votre côté. Je voulais juste vous montrer que l’ordre de grandeur des quantifications
qu’on trouve sur le sujet se vérifie facilement. La voiture à hydrogène est beaucoup moins efficace qu’une voiture à batterie parce que son rendement énergétique n'est vraiment pas top. Et là, vous vous dites peut-être que cet aspect est moins important dans le cas d’une électricité bas carbone.
C’est vrai, si on reprend l’exemple que je vous ai construit, la différence se réduit fortement dans ce cas là. En plus, je pourrais considérer une grosse voiture électrique. Si on prend la version de grande autonomie de la Tesla Model S, elle a une autonomie proche de la Toyota Mirai mais son impact à la production va être plus élevé. On a une batterie de 100 kWh. Si on prend une hypothèse un peu pessimiste de production 100 kg(CO2) par kWh. La production de cette batterie émet 10 tonnes et cette Tesla se retrouve ici, avec un impact à la production plus fort. Encore une fois, je ne suis pas particulièrement convaincu de la nécessité de produire d’aussi grosses batteries pour les usages courants. Je pense que la conclusion à tirer ici, c’est surtout qu’il faut
limiter la taille des batteries pour limiter l’impact des voitures électriques. Mais, envisageons quand même une situation où une différence importante dans les impacts à la production et une électricité très peu émettrice permet à un véhicule à hydrogène de s’en sortir mieux, sur sa durée de vie, qu’une voiture avec une grosse batterie. Après tout peut-être qu’on j’ai sous-estimé l’impact de la production des voitures à batterie ou que j’ai surestimé celui des voitures à hydrogène. Est-ce que dans ce cas là, la voiture hydrogène devient préférable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Non et c’est, encore une fois, à cause de son mauvais rendement énergétique. Imaginons que vous avez 1 kWh d’électricité bas carbone. Qu’est-ce que vous pouvez faire
de mieux avec ? Je vais construire un nouvel exemple dont le but n’est pas d’être très précis mais de vous donner les bons ordres de grandeur et une manière intéressante d’examiner cette question. Libre à vous encore une fois de varier les hypothèses si vous voulez faire des petits calculs. De la production électrique au charbon émet 1100 grammes de CO2,par kWh du gaz de 400 à 600g suivant les technologies et les utilisations. Avec 1 kWh d’électricité bas carbone qui a émis 15 g de CO2, vous pouvez donc éviter la production de 1085 grammes si vous remplacez du charbon ou de 385 à 585 grammes en remplaçant du gaz. Pour les voitures, si on reprend nos calculs précédents, 1 kWh permet de parcourir environ 5 km en voiture électrique. Sur 5 kilomètres, la BMW série 5 considérée précédemment
émettra un peu moins d’1kg de CO2. Ajouter la production de la voiture en l’amortissant sur une durée de vie de 200 000 km amène les émissions un peu au dessus d’1 kg de CO2 pour 5 km. Si on fait le même exercice pour la voiture à batterie, on voit des émissions proches de 400 grammes et essentiellement dues à la fabrication du véhicule puisqu’on est dans le cas d’une électricité bas carbone. On voit que la voiture à batterie, production comprise, permet d’éviter une quantité tout à fait appréciable d’émissions de CO2 pour 1 kWh. Avec la Mirai, 1 kWh d’électricité bas carbone ne permet de faire que 2 km et donc, en suivant la même logique, on constate qu’elle permet d’éviter moins d’émissions de CO2.
Ici, je peux également ajouter une variante de la voiture à batterie avec une grosse batterie et une production du véhicule autour de 16 tonnes d’émission de CO2 alors qu’on avait fait l’hypothèse de 11 tonnes pour la Mirai… Il s’agit ici de vous montrer le cas précédent où la voiture à hydrogène s’en sortait mieux que la voiture à batterie sur le cycle de vie. Vous voyez que, dans cette situation, les émissions évitées par kWh d’électricité bas carbone reste bien supérieure dans le cas de la voiture à batterie. La voiture à hydrogène s’en sortait avec un bilan carbone légèrement meilleur mais, par unité d’électricité bas carbone disponible, elle s’en sort beaucoup moins bien qu’une voiture à batterie dont on a surdimensionné la batterie bien au-delà de ce que je considère comme raisonnable. C’est important parce que nous sommes dans une situation où ni la France, ni l’Europe, ni le Monde ne peuvent se vanter d’avoir d’importants surplus d’électricité bas carbone. On vit encore, y compris en France, dans un monde où la majorité de l’énergie consommée est d’origine fossile. Quand vous vous allouez de l’électricité bas carbone pour votre voiture à hydrogène, elle n’est plus disponible pour deux ou trois voitures à batterie ou pour remplacer du fossile sur le réseau. Vous pensez bien faire et être vertueux mais on aurait pu
effacer plus d’émissions en utilisant cette énergie autrement… Au passage, vous voyez qu’utiliser de l’électricité bas carbone dans la mobilité électrique permet d’éviter des quantités tout à fait appréciables d’émissions de gaz à effet de serre. Faut aussi penser que la production électrique a d’autres impacts que les émissions de gaz à effet de serre, ce qui décourage l’utilisation de technologies aussi peu efficaces que la voiture à hydrogène même dans le cas de beaucoup d’électricité bas carbone. Cette inefficacité a également des conséquences sur la quantité totale d’électricité nécessaire. Si on remplaçait toutes les voitures françaises par des voitures à batterie, il faudrait une centaine de TWh de plus, soit une augmentation de la production électrique française d’environ 20% [25]. Si on remplaçait tout par des voitures à hydrogène, il en
faudrait probablement autour de 250 TWh, une augmentation de près de 50% de la production électrique, la différence est loin d’être négligeable. Si vous êtes un particulier qui veut réduire les émissions de la voiture, vous avez une préférence marquée pour la voiture à batterie par rapport à la voiture à hydrogène. Et c’est vrai aussi pour la puissance publique. Cette sous-partie explique pourquoi il est justifiable pour l’État de subventionner les voitures à batterie et pourquoi, à l’inverse, il serait beaucoup plus discutable de subventionner le déploiement des voitures à hydrogène.
Avec la même quantité d’électricité, vous pouvez déplacer beaucoup plus de personnes en voiture à batterie qu’en voiture à hydrogène. Et vous pourriez, évidemment, en déplacer encore beaucoup plus en vélo électrique ou en en transports en commun. Je ne dis pas ici que la voiture à batterie est la solution à tout. Je dis juste que quand la voiture à hydrogène est envisageable, la voiture à batterie est préférable. La question du rendement énergétique est l’un des plus gros défaut de la voiture à hydrogène mais il y en a un second: l’infrastructure.
Aujourd’hui, la majorité des voitures à batterie sont chargées pour la majorité de leurs charges au lieu de résidence ou au lieu de travail de leurs propriétaires et ces charges peuvent se faire sur des prises électriques classiques ou de basses puissances pendant le temps de stationnement. L’infrastructure pour la voiture électrique consiste au déploiement de tels chargeurs lents dans l’espace public, notamment pour ceux qui ne peuvent charger ni chez eux ni au travail, et de chargeurs rapides sur les grands axes pour les trajets de longues distances. Il s’agit d’étoffer un réseau qui existe déjà et qui s’appuie sur le renforcement d’une infrastructure électrique déjà déployée. Dans le monde il y avait, fin 2021, 600 000 chargeurs rapides auxquels s’ajoutent 1,2 millions de chargeurs publics de moindre puissance. En France, le nombre de bornes de recharge publiques a augmenté de 50% en 2022 pour atteindre 82 000 dont 10% de chargeurs rapides. Il faut continuer de développer ces points de charge au fur et à mesure que le nombre de voitures à batterie augmente. Si on ajoute
les points de recharge privés chez les particuliers et les sociétés, on monte à plus d’un million de points de charge, c’est beaucoup beaucoup plus que les points de recharge publiques pour voiture à hydrogène en France qui ne sont que de quelques dizaines. L’infrastructure des voitures à batterie est nettement plus développée mais c’est aussi parce qu’il y en a déjà beaucoup plus en circulation. Fin 2021, le monde comptait 11,5 millions de voitures électriques à batterie et 5 millions d’hybrides rechargeables pour 50 000 voitures à hydrogène, qui sont donc plus de 200 fois moins nombreuses. Les ventes de voitures à batterie ont fortement augmenté dans de nombreuses régions du monde et tout pousse à croire que ça va continuer dans cette direction. On peut quand même noter que 99% du parc mondial de 1,4 milliards de voitures est constitué majoritairement de voitures thermiques. La route est encore longue
pour s’en débarrasser. Beaucoup de constructeurs automobiles ont également renoncé aux voitures à hydrogène malgré les investissements importants de certains d'entre eux dans cette technologie. Le nombre de modèles de voitures à hydrogène se compte sur les doigts de la main alors qu’il y a près de 300 modèles de voitures à batterie et 150 modèles d’hybride rechargeable. La voiture à hydrogène a clairement la physique contre elle dans son match contre la voiture à batterie, mais elle a également perdu la dynamique. Et, pour des raisons économiques, pratiques ou écologiques, on peut remettre en question la pertinence de déployer deux infrastructures parallèles. Surtout qu’avec la majorité des charges qui se font à basse puissance, l’infrastructure derrière la voiture à batterie est très probablement moins coûteuse. Je vous laisse
quelques détails avec les sources. Pour comprendre pourquoi l’infrastructure hydrogène n’est pas donnée. Il faut se rappeler que l’hydrogène n’est pas facile à manipuler. C’est un gaz inflammable, explosif, qui se glisse partout et qu’il faut énormément compresser avant de l’utiliser dans la mobilité. Ça demande des tests, des homologations et des précautions qui ont nécessairement des répercussions en termes de coût. Le transport de l’hydrogène est également plus compliqué que les hydrocarbures. Un camion transportant de l’hydrogène est
confronté au même problème de réservoirs que les voitures à hydrogène et le poids de l’hydrogène transporté est très faible devant le poids des récipients qui le contiennent, ce qui rend ce transport énergivore. Si le ratio est à peu près le même que pour un réservoir de voiture à hydrogène. Un camion de 19 tonnes avec une charge utile de 10 tonnes pourra transporter autour de 500 kg d’hydrogène… de quoi faire une centaine de pleins. Bref, l’hydrogène n’étant pas pratique à stocker, transporter et distribuer, une infrastructure hydrogène dispersée sur tout le territoire est coûteuse et ce coût se répercute sur l’utilisateur. Regardons ça d’un peu plus près. À l’utilisation, une voiture à hydrogène coûte chère : environ 10€ pour 100 km alors que l’hydrogène n’est pas encore taxé et bénéficie donc d’une niche fiscale par rapport à ses concurrents. Avec une consommation à 6L au 100, son équivalent thermique doit être à peu près dans les mêmes eaux peut-être un peu au-dessus de 10€ les 100 km aujourd’hui.
À côté de ça, l’équivalent électrique va faire une recharge à domicile un peu en dessous de 3€ pour 100 km ce qui sera le cas de la majorité des pleins pour la majorité des utilisateurs. Les tarifs des charges rapides varient considérablement mais peuvent approcher la parité avec la voiture thermique. Les modèles de voiture à hydrogène sont également très coûteux. La Mirai se vend autour de 70 000 € et le Nexo 80 000 € sans être des voitures dont les caractéristiques techniques font rêver par rapport à leurs équivalents à batterie… Et comme je l’ai déjà expliqué. Le coût et le volume de la pile à combustible et
de ses réservoirs poussent l’hydrogène vers un secteur de grosses voitures qui resteront inabordables pour la plupart d’entre nous et dont on peut difficilement défendre l’existence avec des arguments écologiques. Par rapport à la voiture à batterie, la voiture à hydrogène est plus coûteuse, plus énergivore … donc plus polluante, dépendante d’une infrastructure limitée et qui a peu de chances de se développer. Son principal avantage, souvent mis en avant,est de pouvoir faire le plein plus rapidement qu’avec une voiture à batterie. Mais, dans l’usage quotidien d’une voiture à batterie, vous n'attendrez jamais la charge, vous la laisserez lentement se charger quand elle est stationnée, chez vous ou ailleurs et ça vous évite de passer par une station service. Ce qui donne un avantage à la voiture à hydrogène que sur les itinérances de longue distance. Et quand on sait que pour certaines voitures à batterie et la recharge rapide c’est environ 15 minutes pour passer de 20% à 80%, qu’il est conseillé, et fréquent, de faire des pauses sur des longs trajets… la pertinence de cet avantage est discutable.
Et même si c’était un point intéressant, le prix à payer pour en bénéficier va rebuter quasiment tout le monde. Ce prix élevé peut faire croire que la voiture à hydrogène constituera un marché de niche pour les plus riches mais je doute qu’ils se tournent vers des voitures ne disposant pas d’infrastructure de recharges et avec des performances discutables. Même sans contrainte de coût, ils préféreront sans doute des voitures avec de très grosses batteries si on les force à lâcher leurs luxueuses thermiques. Il peut y avoir des marchés de niche sous certaines conditions. Comme l’infrastructure restera un problème, l’hydrogène ne pourra s’imposer que sur des flottes captives, des flottes professionnelles disposant de leur propre point de distribution et de stockage.
Et, pour être intéressant économiquement, il faut répondre à un besoin auquel les alternatives à la voiture à hydrogène ne peuvent pas répondre. Avec la concurrence de la voiture à batterie, de telles situations se font rares et se feront de plus en plus rares. Et ce qui est vrai pour les voitures, est encore plus vrai pour les véhicules plus petits. Pour les raisons mentionnées jusqu’ici, faire des vélos à hydrogène ou des deux roues à hydrogène n’a aucun sens par rapport à leurs équivalents à batterie. À l’inverse, la question de l’hydrogène pour les transports lourds reste ouverte. Pour faire vite, l’hydrogène en tant que vecteur énergétique a un sens que là où l’électrification directe n’est pas possible. On verra sans doute dans d’autres vidéos si l’hydrogène peut être utile
pour les utilitaires, les bus, les poids lourds, les trains, les bateaux… etc. Je rappelle également que l’hydrogène reste indispensable pour d’autres chantiers de la transition énergétique et, notamment pour certains usages industriels dont on avait discuté dans la deuxième vidéo sur l’hydrogène qui reste probablement la plus importante sur ce sujet. Dans cette vidéo, j’ai essentiellement parlé de voiture à hydrogène disposant d’une pile à combustible donc de voiture à hydrogène électrique. Mais, on pourrait brûler l’hydrogène dans un moteur. On peut faire des voitures thermiques à hydrogène. Cette voie a été poursuivie par certains constructeurs mais, à ma connaissance, il n’y a pas encore de véhicule commercial donc je me retrouve à dire quelques mots d’objets hypothétiques. Le rendement énergétique ne serait pas meilleur que pour une pile à
combustible et la question de l’infrastructure reste la même. Passer d’une voiture à pile à combustible à une voiture avec un moteur thermique à hydrogène ne permet donc pas de passer outre les deux défauts majeurs que j’ai exposé. Ceux qui défendent le moteur thermique à hydrogène , par rapport à la pile à combustible, pourraient avancer que les constructeurs européens ont plus de savoir-faire sur les voitures thermiques que sur les batteries ou les piles à combustible, qu’il n’y a plus, ou moins, besoin de platine et que ces voitures seraient moins coûteuses. Ceux qui préfèrent la pile à combustible mettront en avant qu’elle est plus mature technologiquement et qu’elle permet d’avoir des véhicules moins bruyants. Pour moi, c’est un débat secondaire vu
l’intérêt très limité de l’hydrogène sur la mobilité légère. Par contre, je me suis rendu compte qu’il faudra sans doute que je creuse davantage cette question: thermique ou pile à combustible si je fais des vidéos sur l’hydrogène dans la mobilité lourde. Il y a aussi la possibilité de faire du carburant à partir d’hydrogène et d’autres éléments, c’est ce qu’on désigne par carburant synthétique. L’avantage d’un carburant synthétique c’est qu’il pourrait être utilisé par les moteurs thermiques actuels. Mais, les transformations successives nécessaires pour produire des carburants synthétiques empirent, encore, le bilan énergétique. Ce qui rend cette voie très peu probable
pour la mobilité légère pour des questions énergétiques et économiques. Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi je ne mentionne pas, dans les alternatives, les agrocarburants, par exemple l’éthanol qu’on produit à partir de betteraves. C’est une question encore très différente donc ce n’est pas possible de la traiter ici mais je sais que j’en ai pas encore parlé sur la chaîne et que, plus globalement, il manque beaucoup de vidéos sur la biomasse. Et oui… je suis encore très loin de l’exhaustivité ! Dans cette vidéo on a vu que le principal défaut d’une voiture à hydrogène qu’on alimente avec de l’hydrogène produit par électrolyse est son mauvais rendement énergétique. Son alternative à batterie est beaucoup plus efficace et permet, à production électrique équivalente, de parcourir deux à trois fois plus de kilomètres et donc d’éviter plus d'émissions de gaz à effet de serre en substitution des voitures thermiques. La voiture à hydrogène est également dépendante d’une infrastructure coûteuse, complexe et très peu déployée.
Ce faible déploiement et le coût important, à l’achat et à l’usage, de la voiture à hydrogène rend très peu probable une inversion des tendances et tout laisse penser que l’avenir de la voiture est la voiture à batterie. Mais, vu l’impact de la voiture en général, on peut quand même espérer réduire sa place dans la mobilité. Et je vais finir par une partie qui relève davantage de mon opinion et de mes motivations en essayant de répondre à cette question: pourquoi on parle encore de la voiture à hydrogène. Une partie de nos concitoyens continue de voir la voiture à hydrogène comme une technologie prometteuse alors que les milieux techniques et académiques considèrent depuis quelque temps que l’hydrogène a perdu la bataille de la mobilité légère. Pourquoi cet écart
de considération ? D’abord parce que le public est exposé à des messages optimistes sur la voiture à hydrogène, provenant de ses promoteurs. Ces discours existent, en partie, pour profiter de la manne financière que représentent les investissements publics et privés dans l’hydrogène. En France, on peut citer la médiatisation autour d’Hopium et l’utilisation d’un ancien ministre des transports même si c’est un peu en train de se casser la figure. Si l’investissement dans l’hydrogène est important pour pour la réduction des
émissions de gaz à effet de serre de certains secteurs, la mobilité légère n’en fait pas partie. Propager des discours optimistes sur les voitures à hydrogène est d’autant plus facile que le déploiement de cette technologie est très faible et donc le public y est peu confronté. Les défauts des voitures à hydrogène sont rarement exposés en dehors des milieux scientifiques et techniques. Pour une large partie de nos concitoyens, une voiture à hydrogène ressemble beaucoup à une voiture thermique: on va à la station service pour faire un plein et on a une bonne autonomie… mais n’a pas les défauts des voitures thermiques, après tout…comme on entend souvent, ça ne rejette que de l’eau. Par contre, les discours négatifs sur les voitures à batterie sont très répandus, souvent exagérés et parfois complètement faux. La voiture à hydrogène incarne donc une solution parfaite, un idéal fantasmé
à opposer aux défauts, réels ou non, de la voiture à batterie ou à brandir pour refuser toute évolution des habitudes de mobilité. Le problème c’est que ces technologies à hydrogène fantasmées nuisent à la transition énergétique la freine , la retarde. Et, ça, je ne suis pas le seul à le penser. Et là, vous avez la raison principale pour laquelle j’ai fait cette vidéo. J’espère qu’elle plaira à ceux qui attendaient ce sujet, qu’elle en aidera d’autres à en discuter avec les derniers défenseurs de cette technologie, et plus globalement, qu’elle permet de comprendre les logiques à mettre en place, et notamment les comparaisons à faire, pour juger la pertinence d’une technologie par rapport à d’autres.
Grande première sur cette chaîne. Le soir de cette diffusion, je serai sur Twitch à partir de 20h30 pour en discuter avec vous. N’hésitez pas à venir avec vos ressentis et vos questions pour un petit échange ! Je remercie les relecteurs qui vous épargnent certaines erreurs et approximations. Je remercie également Marina qui a travaillé sur le montage, ma mère qui vous fait de jolis sous-titres et, bien sûr, tous ceux qui financent la chaîne sans contrepartie et qui me permettent de travailler sans aucune contrainte. Grâce à eux,cette vidéo est accessible à tous. C’était le Réveilleur et à bientôt sur le net !
2023-03-19