Éolien en mer

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Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo de la série sur l’énergie où je vais vous parler d’éolien et plus précisément d’éolien en mer. Cette vidéo est le premier partenariat de la chaîne. Je suis rémunéré pour la produire par le débat public éoliennes en mer Nouvelle-Aquitaine qui porte sur un projet de parcs éoliens au large de l’île d’Oléron.

Ce débat public permet de discuter de l’intérêt du projet, de sa localisation, de sa puissance et d’autres caractéristiques techniques. Les débats publics permettent d’informer, d’échanger et de se prononcer sur un projet. Les habitués de la chaîne comprendront donc facilement que je me reconnaisse dans ces démarches et pourquoi j’ai accepté ce partenariat alors que j’en refuse beaucoup d’autres. C’est un sujet que j’aurais traité de toute manière parce qu’il prend de l’importance et j’ai eu carte blanche. En fait, j’ai travaillé cette vidéo de la même manière que les autres, le partenariat m’apporte juste une rémunération supplémentaire.

Vous trouverez également d’autres vidéos réalisées dans ce cadre sur les chaînes YouTube Monsieur Bidouille, Science de comptoir et j’en ai également vu une passer sur la chaîne Youtube Le Monde en Cartes. Je vous invite évidemment à aller les voir après celle-ci. Pour ma part, j’ai fait le choix de parler de l’éolien en mer en général et pas du projet en Nouvelle-Aquitaine en particulier. Comme ça… Cette vidéo pourra être utilisée plus largement. L’éolien est devenu un sujet polémique, clivant et victime d’un certain nombre de préjugés voire de désinformation. Je vais essayer, comme d’habitude de vous amener

des éléments que je juge pertinents pour se faire un avis sur cette question après avoir passé plusieurs semaines à creuser le sujet. Je signale qu’il y a déjà sur la chaîne des vidéos complémentaires à celle-ci: une sur l’éolien terrestre, deux vidéos sur le réseau électrique et l’intégration des moyens de production renouvelables et surtout la dernière vidéo de la chaîne sur la transition du système électrique français à laquelle je vais faire plusieurs fois référence dans cette vidéo. Une éolienne transforme l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique puis en énergie électrique grâce à un turbo alternateur. Elle fonctionne typiquement avec des vents compris entre une dizaine de km/h et une centaine de km/h. Si les vents sont trop puissants, les pales sont orientées pour limiter la prise au vent et un système de frein bloque le rotor. Ce système permet de protéger l’éolienne quand les vents sont trop violents.

Je vais vite sur cette partie physique et, je renvoie ceux qui en veulent plus vers la vidéo de Monsieur Bidouille qui détaille ces points. L’énergie qu’une éolienne peut extraire d’une masse d’air en mouvement est très dépendante de la vitesse du vent et PAS par une simple proportionnalité, elle évolue avec le cube de la vitesse du vent. Si la vitesse du vent est multipliée par 2, l’électricité produite par une éolienne peut être multipliée par 8 ! Aller chercher les meilleurs gisements de vent est donc très important ! L’électricité produite par une éolienne augmente également avec la longueur des pâles au carré puisqu’elle dépend de la surface balayée par les pâles. Si on multiplie par 2 la longueur des pales, on multiplie par 4 l’électricité produite. Donc si on utilise, approximativement, 2 fois plus de matériaux, on produit 4 fois plus d’électricité. Plus une éolienne est grande, plus elle est efficace à cet égard. C’est une des raisons

qui poussent à faire des éoliennes de plus en plus grandes. L’éolien terrestre est limité dans sa course au gigantisme par les infrastructures de transport. Vu que la pâle est faite d’un seul élément, on ne peut pas faire plus gros que la taille maximale de pâle qu’on peut transporter jusqu’au lieu d’installation. Pour l’éolien terrestre, on installe aujourd’hui des machines d’environ 3 MW de puissance d’une centaine de mètres de hauteur et avec des pales d’une soixantaine de mètres. L’éolien en mer n’a pas les mêmes limites pour le transport. Les tailles de pale dépassent

la centaine de mètres pour les plus grosses éoliennes qui atteignent aujourd’hui une puissance d’une quinzaine de MW, 5 fois plus qu’une éolienne terrestre classique. Avec une hauteur de mât d’environ 150 m au-dessus du niveau de l’eau, ce sont des géants. 150 m, pour donner une idée, c’est la hauteur d’un immeuble d’une cinquantaine d’étages. Si on regarde la puissance moyenne des éoliennes en mer installées en Europe, on voit qu’elle est passée de 4 MW il y a une dizaine d’années à 8 MW aujourd’hui. L’augmentation de

la puissance des éoliennes en mer se voit donc sur les installations et pas uniquement sur les modèles les plus performants. Une éolienne en mer ne se limite pas à la partie visible. Regardons un peu à quoi elle ressemble sous le niveau de l’eau. Il existe plusieurs types de fondation mais je ne vais détailler que les trois plus répandus qui concernent 96% des éoliennes en mer installées aujourd’hui en Europe … dont 81% pour la fondation la plus commune: le monopieu. C’est un énorme pieu en acier qui fait

500 à 1000 tonnes et qu’on vient enfoncer dans le plancher océanique. On a ensuite la structure réticulée. C’est une tour treillis en acier tubulaire qui fait de 300 à 1000 tonnes. La structure est descendue par grue. Différentes techniques existent ensuite pour fixer les pieds sur le sol marin. C’est la fondation de 10% des éoliennes en mer déployées en Europe. Cette fondation nécessite des fonds relativement plats et

réguliers et permet une très bonne stabilité. On a enfin la fondation gravitaire. Elle fait de 1000 à 7000 tonnes et c’est une fondation à matériaux mixtes : acier et béton. C’est la fondation de 5% des éoliennes déployées

en mer en Europe. Elle demande une préparation du sol et n’est pas adaptée aux fonds rocheux accidentés. Le choix des fondations va dépendre de nombreux paramètres: relief et nature du fond océanique, profondeur, coût, compétences industrielles locales, poids de l’éolienne qu’on vient mettre dessus ou encore, impacts environnementaux qu’on souhaite éviter. L’éolien en mer à fondations fixes est installé jusqu’à des profondeurs d’une cinquantaine de mètres. Quand on y pense, faire tenir des éoliennes de plusieurs centaines de tonnes alors que le fond marin est à des dizaines de mètres de profondeur.... c’est

une belle prouesse d’ingénierie. Mais une technologie d’éolien en mer pourrait permettre d’aller au-delà et déverrouiller d’énormes potentiels: l’éolien flottant. L’éolien flottant est moins mature que l’éolien posé. Le premier parc date de

2017 et il y a, en Europe, une quinzaine d’éoliennes flottantes en fonctionnement. Ce qui est peu à côté des 5 000 éoliennes posées. Mais, l’éolien flottant suscite beaucoup d’intérêt et pourrait passer à l’échelle industrielle dans la prochaine décennie. Son principal avantage est de permettre d’aller chercher les meilleurs gisements de vent en étant beaucoup moins dépendant de la profondeur et de la nature du fond marin. Il y a plusieurs structures différentes et je ne rentrerai pas dans les détails mais le principe est d’avoir une structure flottante qui est ensuite ancrée au fond marin par un système de câblage.Aujourd’hui on considère qu’on peut installer l’éolien flottant jusqu’à environ 200 m de profondeur.

En rendant exploitable des zones plus profondes, l’éolien flottant peut permettre à des pays avec des côtes plongeant rapidement d’exploiter l’éolien en mer. Il peut aussi permettre de placer des parcs éoliens plus loin des côtes pour éviter des compétitions avec d’autres usages, les rendre moins visibles et en déployer plus. Un autre avantage potentiel concerne son déploiement. On peut assembler l’éolienne flottante au niveau d’un port industriel puis la remorquer jusqu’à son lieu d’installation pour l’arrimer au fond. Les opérations à faire sur place sont beaucoup moins lourdes que pour l’éolien posé, ce qui pourrait faciliter la standardisation et le déploiement de l’éolien en mer.

Aujourd’hui, l’éolien flottant est plus coûteux et moins mature que l’éolien posé. La portion d’éolien en mer qui sera composée d’éolien flottant dans le futur dépend notamment de la manière dont les coûts vont se réduire au fur et à mesure des premiers déploiements. Dans cette vidéo, je vais me concentrer sur ce qui existe et je vais donc essentiellement parler de l’éolien posé. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le raccordement d’un parc éolien ne se fait pas juste en tirant des câbles sous l’eau. Enfin si on tire des câbles sous l’eau mais il n’y a pas que ça. Pour prendre l’exemple du parc de Saint Nazaire, la tension en sortie d’une éolienne est de 66000 volts. Elles sont toutes reliées à une sous-station électrique qui élève la tension à 230000 volts et renvoie l’énergie sur terre via une ligne électrique pour être raccordée au réseau national via un poste électrique. Je détaille tout cela dans ma

vidéo mais en gros faire passer beaucoup de puissance électrique sous l’eau ne se fait pas aussi facilement qu’en utilisant des lignes aériennes. La sous-station sert à élever la tension mais aussi à convertir l’électricité en courant continu ou à compenser la puissance réactive si on reste en courant alternatif, et choisir entre le courant alternatif ou le courant continu c’est un compromis financier. Une fois sur terre il faudra reconvertir l’électricité en courant alternatif si la ligne de raccordement du parc est en courant continu ou bien, si on reste en courant alternatif, rajouter une station de compensation d’énergie réactive car celle qui est sur le poste électrique en mer ne suffit pas. Maintenant qu’on a une vision un peu plus précise de ce qu’est l’éolien en mer, faisons un petit état des lieux de son déploiement actuel. En 2020, il y avait 35,3 GW d’éolien en mer installés dans le monde. C’est environ 20 fois moins que l’éolien terrestre. Mais, l’éolien en mer a une plus forte croissance

et son importance, relativement au terrestre, n’a fait qu’augmenter depuis 10 ans. 70% de l’éolien en mer est aujourd’hui installé en Europe et le reste en Chine. La Chine monte en puissance mais l’Europe est le leader historique et est encore le plus gros marché. En Europe, on voit que 5 pays regroupent la quasi-totalité des éoliennes en mer. Le

Royaume Uni et l’Allemagne compte pour près des trois quarts de la puissance installée en Europe. Par curiosité, j’ai calculé la puissance installée par habitant. Le podium est alors, dans l’ordre, le Danemark, la Belgique et le Royaume-Uni. En Europe, le marché pour la fabrication des turbines est dominé par Siemens Gamesa et Vestas, deux constructeurs européens. C’est une industrie très concentrée puisque ces deux entreprises ont produit 92% des éoliennes en mer européennes. 80% de la puissance installée en Europe l’est en Mer du Nord, le reste étant en mer d’Irlande et en mer Baltique. L’éolien en mer est aujourd’hui concentré dans une zone géographique limitée et soumise au même régime de vent.

Cette installation très concentrée n’est pas un hasard. Sur cette carte de l’Europe, plus on tend vers le rouge foncé, plus il y a de puissance disponible pour faire tourner des éoliennes. On voit que les gisements maritimes de vent sont souvent plus intéressants que les terrestres. On comprend également que les premiers parcs éoliens déployés

en mer du Nord ont bénéficié de certains des meilleurs sites au monde. Sur cette figure, plus un point est gros, plus le parc éolien correspondant est puissant et on regarde le déploiement des parcs en fonction de la distance à la côte et de la profondeur. On voit bien que la majorité des installations s’est faite à moins de 50m de profondeur comme je l’ai évoqué plus haut. Les petits points au-delà sont

les parcs éoliens flottants. Et on voit qu’il y a peu de parcs éoliens flottants et que leur puissance est faible. Cette limite de profondeur explique également l’implantation en mer du Nord qui comporte de grandes surfaces de faible profondeur comme vous pouvez le voir sur cette carte qui montre la profondeur des eaux. Attention l’échelle de profondeur n’est pas linéaire. Les fonds adaptés à l’éolien

en mer posé sont jaunes ou oranges. Pour la petite histoire, cette zone de faible profondeur, là, perdu au milieu de la mer du Nord, c’est le Dogger bank, un grand banc de sable dans une région peu profonde qui intéresse beaucoup l’industrie de l’éolien en mer pour des raisons qui devraient maintenant vous paraître évidentes. La France a du potentiel dans la Manche mais la façade Atlantique ou méditerranéenne voit vite la profondeur augmenter… Ce qui limite les sites disponibles pour de l’éolien posé au voisinage des côtes. Les sites envisagés pour de l’éolien posé sur la façade Atlantique se situent typiquement à une dizaine de kilomètres de la côte.

On comprend pourquoi la France s’intéresse à l’éolien flottant qui permettrait d’exploiter plus largement et plus facilement les gisements de vents en Atlantique et en Méditerranée. La France dispose du second gisement européen d’éolien en mer après le Royaume-Uni mais n’a pas encore de sites opérationnels. Des parcs sont en construction au moment où je vous parle et l’éolien en mer va se déployer dans les prochaines années. Le parc de Saint-Nazaire est en travaux et devrait être mis en service en 2022.

Si vous voulez aller voir à quoi ressemble le chantier, Dimitri de la chaîne M. Bidouille a pu le visiter et vous montre quelques belles images dans sa vidéo. Ce premier parc comportera 80 turbines de 6 MW. Pour avoir un point de repère, avec ces modèles, il en faudrait 300 pour produire annuellement autant d’électricité qu’un réacteur nucléaire de 900 MW, les plus petits en fonctionnement en France aujourd’hui.

La mise en service du parc de Saint-Nazaire sera suivie de celle des parcs de Saint-Brieuc, Fécamp et Courseulles-sur-mer pour 2023-2024. Les appels d'offres pour ces parcs ont été attribués en 2012. Ces longs délais sont un des défauts de l’éolien en mer et doivent beaucoup aux procédures administratives et aux recours juridiques. Des acteurs demandent une simplification des démarches administratives pour faciliter le déploiement de l’éolien en mer et la législation a déjà évolué depuis ces premiers parcs.

Les parcs du Tréport et de Yeu-Noirmoutier sont en développement et devraient être mis en service en 2026. Le parc de Dunkerque qui est prévu pour 2027 en est à préparer le dossier et les demandes d’autorisation. D’autres parcs sont au stade d’études ou de débat public. Cette vidéo est financée par le débat public qui concerne le parc noté, ici, “Sud-Atlantique”. La France lance également quatre fermes pilotes d’éoliennes flottantes d’une trentaine de MW, une au sud de la Bretagne et trois en Méditerranée. Dans un second temps, trois parcs éoliens flottants de 250 MW sont envisagés, un au sud de la Bretagne et deux en Méditerranée.

Je l’ai dit, les façades Atlantique et méditerranéenne ont de bons gisements de vent mais, souvent, une trop grande profondeur d’eau pour de l’éolien posé. L’éolien flottant permettrait donc à la France d’exploiter au mieux ces gisements et il est fort possible que le sujet de l’éolien flottant soit régulièrement abordé au cours des prochaines années. Si tout se passe bien avec ces projets, on devrait atteindre 7 GW installés d’ici 2030. 7 GW d’éolien en mer produirait autour de 24 TWh par an, soit 5% de la production d’électricité française aujourd’hui. L’éolien en mer est donc balbutiant en France mais pour comprendre de quoi est fait son avenir, je pense qu’il est primordial de comprendre les enjeux de la production électrique dans les prochaines décennies.

Et ça tombe bien parce que j’ai fait une vidéo entière sur ce vaste sujet et je vous encourage évidemment à aller la voir si ce n’est pas déjà fait. Je vais résumer les points essentiels pour comprendre les enjeux derrière le déploiement de l’éolien en mer. La France, comme hélas la majorité des pays développés, utilise de grandes quantités de ressources fossiles, notamment pour les transports, la production de chaleur et l’industrie. Les ressources fossiles constituent les deux tiers de l’énergie finale consommée en France. On peut également ajouter les ressources fossiles utilisées pour confectionner les produits qu’on importe. La conséquence c’est que l’empreinte carbone d’un français est supérieure à la moyenne mondiale.

Il faut réduire notre consommation de ressources fossiles pour lutter contre le changement climatique et la pollution de l’air, parce que ça nous coûte cher, pour réduire notre dépendance à l’étranger et notre vulnérabilité à des ressources qui s’épuisent. La France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et donc l’utilisation de ressources fossiles. Pour ma vidéo sur la transition du système électrique, je me suis appuyé sur un récent rapport de RTE qui s’appelle Futurs énergétiques 2050. RTE pour Réseau de Transport d’Électricité c’est le responsable du réseau électrique français et j’ai trouvé leur rapport très éclairant sur de nombreux points.

Pour réduire l’utilisation de ressources fossiles dans les transports, la production de chaleur et l’industrie, on va avoir besoin de plus d’électricité. La trajectoire de référence considérée par RTE est une consommation électrique annuelle de 645 TWh en 2050, une augmentation de 35% par rapport à aujourd’hui. Pour l’instant, la production électrique en France émet peu de CO2 grâce aux centrales nucléaires. Mais ces centrales nucléaires vieillissent et fermeront très probablement dans les trois prochaines décennies.

Avec une consommation d’électricité qui va augmenter et l’arrivée en fin de vie des centrales nucléaires en fonctionnement aujourd’hui, il va falloir construire, ou reconstruire, quasiment tout un système de production électrique d’ici 2050. On ne déploie donc pas des éoliennes pour remplacer du nucléaire fonctionnel. On doit déployer des moyens de production bas carbone pour garder une électricité peu carbonée et réduire notre dépendance aux ressources fossiles au-delà du seul système électrique: dans les transports, dans la production de chaleur et dans l’industrie.

Dans son rapport, Futurs énergétiques 2050, RTE propose six scénarios d’évolution du système électrique qui suivent tous la trajectoire envisagée pour l’augmentation de la consommation en garantissant un approvisionnement électrique fiable. On a d’abord trois scénarios appelés M dans lesquels on ne construit pas de nouvelles centrales nucléaires et qui voit donc la part de renouvelables augmenter jusqu’à couvrir la totalité de la production électrique. M0 est 100% renouvelable en 2050. On a ensuite trois scénarios “N”dans lesquels on construit du nouveau nucléaire et qui atteignent 26%, 36% et 50% de nucléaire en 2050. Si vous voulez y voir plus clair dans ces scénarios, je vous renvoie vers ma vidéo sur ce rapport de RTE. Ici, je vais me concentrer sur l’éolien en mer.

Il y a un facteur trois entre la puissance d’éolien en mer installée en 2050 dans le scénario M23 et celle installée dans le scénario N03. Mais, on voit que l’éolien en mer est systématiquement utilisé. Ce qui est une bonne raison de dédier une vidéo à cette technologie. Avec au minimum 12% de la production électrique dans le scénario N03 et au maximum 32% de l’électricité dans le scénario M23, les scénarios de RTE accordent une place importante à l’éolien en mer. La production électrique de l’éolien en mer est inexistante en France aujourd’hui mais, en 2050, ça représentera une part non négligeable dans tous les scénarios allant jusqu’à près d’un tiers de la production électrique.

Pour avoir une évolution aussi importante en trois décennies, il va falloir se mettre à sérieusement déployer l’éolien en mer. Sur cette autre figure, vous voyez le rythme de déploiement envisagé par rapport aux pays européens les plus productifs. Les scénarios les plus ambitieux supposent un déploiement annuel similaire aux meilleures performances européennes. Si ce n’est pas impossible avec la montée en puissance de la filière, une telle performance est loin d’être évidente en particulier pour les scénarios M23 et M0.

Il existe des graphiques similaires pour les autres moyens de production et ça permet de se rendre compte de l’ampleur de la tâche qui nous attend pour déployer l'infrastructure de l’électricité bas carbone de demain. Ce qui implique également que pour limiter les risques d’échec, il vaut mieux tabler sur plusieurs industries qui déploieraient en parallèle des moyens de production bas carbone: éolien terrestre, éolien en mer, photovoltaïque et nucléaire. Si on s’intéresse aux éoliennes terrestres, vous voyez que leur nombre devrait être multiplié par un facteur compris entre 2 et 4 suivant les scénarios. 30 000 éoliennes terrestres en France métropolitaine, ça fait une éolienne pour 18 km² ,donc une éolienne environ tous les 4 km si on les répartissait uniformément sur tout le territoire, ce qui ne sera évidemment pas le cas. À noter que l’Allemagne possède déjà près de 30 000 éoliennes pour un territoire 35% plus petit que la France.

Si on ne déployait pas d’éoliennes en mer, il faudrait en déployer plus sur les terres. Le déploiement de l’éolien sur terre et en mer permettra à ces deux technologies de se concentrer sur leurs meilleurs gisements de vent. Pour ce qui concerne l’impact visuel, en 2021, environ 2,7 millions de personnes sont susceptibles d’avoir une éolienne visible à moins de 5 km de leur résidence principale. Ce nombre va augmenter avec le déploiement de l’éolien. La question de la gêne visuelle est très subjective et comme la vue des éoliennes ne me dérange pas, je suis mal placé pour discuter ce point.

Au-delà de la puissance totale d’éolien installée, la répartition entre les régions et la répartition entre éolien terrestre et en mer joue aussi un rôle sur les territoires et les paysages affectés. Pour ceux qui veulent se faire une idée de ce que donneront visuellement les parcs éoliens en mer, vous pouvez trouver des simulations sur les sites de débat public des différents parcs. Je vous montre ici l’exemple du parc éolien Sud Atlantique parce que c’est le parc éolien dont le débat public finance cette vidéo. J’ai choisi un cliché où les éoliennes sont particulièrement proches mais je vous encourage à faire un tour sur leur site, il y a des photomontages depuis différents points de vue et avec plusieurs hypothèses pour le déploiement du parc. Je crois également que c’est un des projets de parc parmi les plus proches de la côte.

Le principal défaut de l’éolien est le caractère non pilotable de sa production... qui dépend de la puissance du vent et varie donc avec la météo. Regardons, par exemple, le parc de London Array,( super l’accent) inauguré en 2013 et composé de 175 éoliennes en mer de 3,6 MW. Sur sa durée de vie, son facteur de charge moyen est proche de 40%. Un facteur de charge de 40% signifie que la production d’électricité annuelle est égale à ce qu’aurait produit le parc en fonctionnant à pleine puissance 40% du temps. En réalité, il a fonctionné 90% du temps mais en fournissant une puissance variable.

Ici, on peut voir le pourcentage du temps où ce parc éolien a produit un pourcentage donné de sa puissance. Par exemple, il a produit plus de 80% de la puissance installée 22% du temps et plus de 20% de sa puissance 60% du temps. Je laisserai la source avec les autres liens sur une page de mon site web accessible depuis la description. Vous pourrez aller voir les caractéristiques des autres sites anglais.

En regardant les parcs éoliens dannois, anglais et allemand, je pense qu’un facteur de charge annuel de 40% pour l’éolien en mer est représentatif des parcs existants aujourd’hui dont certains, comme celui que je viens de vous montrer, ont plus d’une dizaine d’années. Ce facteur de charge plus élevé pour l’éolien en mer explique pourquoi dans les scénarios de RTE, l’éolien en mer produit plus que le terrestre par GW installé. D’ailleurs, si on calcule le facteur de charge à partir des éléments disponibles ici, on trouve les valeurs typiques que je vous ai données.

J’avoue que j’ai été un peu surpris par le résultat de ce petit exercice et notamment par le facteur de charge de l’éolien en mer en 2050 parce que les éoliennes les plus récentes ont un facteur de charge de 60% dans les conditions de la Mer du Nord. Une amélioration du facteur de charge sur les futurs parcs éoliens est donc anticipable. Certes, nos côtes sont moins idéales que la mer du Nord et ça dépend des modèles qui seront installés mais je pense que le facteur de charge moyen de l’éolien en mer sera au-dessus de 40% en France en 2050.

L’approche prudente de RTE sur les améliorations technologiques est défendable. Mais si on observe effectivement une amélioration du facteur de charge sur les parcs déployés en France dans les prochaines décennies, ce serait une excellente nouvelle: ça veut dire plus d’électricité par éolienne et donc par euro investi ou par kg de matière utilisée. Mais même avec un facteur de charge qui grimpe, l'éolien en mer reste dépendant de la météo. et la question de ce qu’on fait quand il n'y a pas de vent se pose naturellement. Cette question est simple mais la réponse est complexe. Surtout, elle dépend de tout le reste du système électrique. Si vous installez des éoliennes dans un système électrique qui dispose, par exemple, de suffisamment de barrages hydroélectriques, vous n’avez pas besoin d’ajouter quoi que ce soit de plus. Par contre, si vous partez de zéro

et que vous voulez produire de l’électricité qu’avec des éoliennes, vous devez ajouter des trucs dans votre système électrique pour s’assurer de répondre aux besoins en électricité quand il n’y a plus de vent. Ces trucs, qu’on appelle des flexibilités, ça peut être des variations de la consommation ou de la production. Les variations de la consommation, ça peut être des choses comme le décalage dans le temps de la charge de voitures électriques ou l’interruption de sites industriels en cas de tension sur le réseau. Pour les variations de la production, ça peut être des moyens de stockage comme des barrages hydroélectriques réversibles et des batteries; ou des moyens de production pilotables comme des barrages hydroélectriques, des centrales au gaz fossile ou décarboné et, dans une moindre mesure, des centrales nucléaires.

Les besoins et les choix pour ces flexibilités ne peuvent se penser qu’au niveau du système électrique dans son ensemble. S' il y a peu d’éolien et de photovoltaïque, il est facile de pallier leur variabilité mais plus il y en a et plus ça devient compliqué. Dans la précédente vidéo, j’ai longuement parlé de cette question des flexibilités et je vous y renvoie, notamment si le fonctionnement envisagé pour un système avec beaucoup de ces renouvelables vous intéresse. Parmi les facteurs qui diminuent les besoins de flexibilités, avoir des productions réparties sur le territoire français et européen permet de lisser la production éolienne, c’est ce qu’on appelle le foisonnement. Je l’avais quantifié à partir de données de production à l’échelle européenne dans les vidéos sur le réseau électrique et j’y renvoie ceux que ce sous-sujet intéresse. Si je parle rapidement du foisonnement ici c’est pour souligner un point important.

On a vu que l’éolien en mer est aujourd’hui très concentré géographiquement dans la Mer du Nord et ses alentours. La production d’éolien en mer foisonne donc très peu à l’échelle de l’Europe. Soit il y a du vent sur la Mer du Nord, soit il n’y en a pas. Par contre, la France dispose de trois façades: Manche, Atlantique, Méditerranée avec des vents différents. Ce n’est pas parce que vous avez du vent au large du Havre que vous

en avez au large de la Rochelle ou de Montpellier. L’étude des vents montrent qu’il y aurait un foisonnement intéressant si on répartissait l’éolien en mer entre ces façades. Les épisodes où il y aurait simultanément des vents très faibles sur les trois façades se réduisent à quelques jours dans l’année, majoritairement pendant l’été. Je ne dis pas que ça permet de résoudre le problème de la variabilité de la production éolienne. Mais, une répartition du parc éolien sur ces trois façades diminue les besoins de flexibilité en réduisant la variabilité par rapport à ce qu’on observerait sur une seule des trois façades. C’est ça le foisonnement.

L’aspect économique ne peut se discuter, à mon avis, qu’au niveau du coût du système électrique dans son ensemble qui prend en compte le réseau, et les différentes flexibilités nécessaires si on a beaucoup d’éolien et de photovoltaïque. Je vous renvoie donc une fois de plus à ma dernière vidéo où j’aborde ces points. Pour la réduction des coûts, l’éolien en mer semble avoir plus de marge d’amélioration que l’éolien terrestre. Dans le rapport de RTE, l’éolien en mer posé et l’éolien terrestre ont des coûts proches en 2050. L’éolien en mer flottant reste environ 40% plus coûteux mais évaluer les coûts d’une technologie qui entame seulement son déploiement industriel est très difficile. Plusieurs usines en France produisent des éléments pour les parcs éoliens en mer.

C’est le cas, par exemple, de l’usine de Cherbourg qui produit des pâles… dont vous pouvez apprécier le gigantisme. Le déploiement de l’éolien en mer posé et flottant permettra de développer et maintenir en France et en Europe une industrie d’une grande importance pour la transition énergétique. Ce savoir-faire pourrait ensuite être exporté. L’éolien flottant en particulier déverrouillerait d’énormes potentiels et pourrait intéresser de nombreux pays dans le monde dont les côtes ne sont pas adaptées à l’éolien posé. Il y a régulièrement des polémiques sur les matériaux alors je vais passer un peu plus de temps sur cette partie en commençant par les matériaux dits critiques.

Les matériaux critiques désignent des matières premières avec une importance économique élevée et qui présentent un risque de la chaîne d'approvisionnement. Ce risque peut être d’origine géopolitique, par exemple si un pays contrôle la majeure partie de l’extraction ou du raffinage d’une substance, ce risque peut aussi provenir d’un déficit possible entre l’offre et la demande, typiquement quand une nouvelle technologie fait fortement augmenter la demande d’une substance et que la construction de nouvelles mines n’arrive pas à suivre. L’agence internationale de l’énergie s’est penchée sur la question des matériaux critiques dans un rapport de 2021. Parmi les métaux considérés critiques utilisés dans

l’éolien en mer, on trouve le cuivre et le zinc. Le cuivre servant pour le câblage et le zinc protégeant l’acier de la corrosion. Il faudrait 8 tonnes de cuivre et 5 tonnes de zinc par MW installé. Si on ramène ça à l’électricité produite, ça ferait autour 90 mg de cuivre et 60 mg de zinc par kWh. Entre ces deux métaux, l’attention se concentre souvent sur le cuivre: certains acteurs craignent un risque de tensions sur l’approvisionnement dans un contexte de forte augmentation de la demande liée à la transition énergétique. C’est une question complexe parce que le

cuivre est utilisé dans de très nombreux secteurs de l’économie: les bâtiments, les télécommunications, la plomberie, ou encore, les voitures notamment électriques. Dans son récent rapport, RTE estime que, suivant les scénarios, le système électrique consommerait annuellement 6 à 12% de la consommation française de cuivre en 2018. Donc, certes, le système électrique demande du cuivre mais c’est loin d’être le seul secteur à le faire et sa consommation est même plutôt faible par rapport à d’autres.

Un autre élément est intéressant. Si on divise les réserves déclarées par la production minière annuelle de 2020. On aurait pour plus d’une quarantaine d’années de réserve avec la production actuelle. Mais, si on avait fait le même calcul en 1998, on aurait trouvé seulement 28 ans. Entre ces deux dates, la production a augmenté mais les réserves ont augmenté encore plus rapidement. Un rappel que les réserves déclarées ne permettent pas de réfléchir correctement à l’éventuelle raréfaction d’une ressource.

Évidemment, ça n’empêche pas d’avoir des écarts possibles entre offre et demande dans les prochaines années. La question du cuivre ne dépend pas que de la géologie mais aussi de l’évolution de la demande, de l’offre, de la prospection pour identifier de nouveaux gisements, de l’ouverture de nouvelles mines et du recyclage. Mais, la disponibilité géologique ne me semble pas poser de problème à court ou moyen terme. Voilà, je ne peux pas en dire beaucoup plus sur ce sujet du cuivre sans y consacrer énormément de temps et faire une vidéo dédiée.

L’autre question qui revient souvent est celle des terres rares, sujet qui a eu le droit à sa propre vidéo. J’y expliquais que les terres rares sont utilisées en faible quantité un peu partout autour de nous: ampoules, pots d’échappement, moteurs électriques, lasers, haut-parleurs, micro, vibreurs, disques durs, écrans de télé ou encore téléphone portable. Contrairement à ce qu’on peut entendre, les terres rares sont peu ou pas utilisées dans les éoliennes terrestres, les panneaux photovoltaïques ou les batteries des voitures électriques. Elles sont utilisées dans les moteurs des voitures électriques mais peuvent être substituées. Par contre, il y a effectivement des terres rares dans la plupart des éoliennes

en mer déployées aujourd’hui. L’utilisation d’aimants de terres rares est préférée, notamment pour limiter les défaillances et les besoins d’entretien vu que la maintenance des éoliennes en mer est bien plus complexe et coûteuse que celle des éoliennes terrestres. Les terres rares ne sont pas rares mais présentent deux gros défauts. D’abord, les technologies qui en utilisent comme les aimants permanents des éoliennes en mer sont dominées par la Chine, ce qui nous place dans une position de dépendance. C’est donc un problème géopolitique. Ensuite, leur extraction est plus polluante que d’autres métaux mais c’est compensé par le fait qu’on les utilise en bien plus faibles quantités que ces autres métaux.

Sous la vidéo sur les terres rares, je me suis risqué à une petite quantification. Avec les éléments disponibles, j’estime que les émissions de gaz à effets de serre liées à la production des aimants de terres rares pèsent pour moins de 1% du bilan carbone de l’éolienne. Certes, les impacts environnementaux ne se résument pas au CO2 et j’en parle dans la vidéo sur les terres rares. Mais vu les volumes en jeu, je pense que les impacts environnementaux induits par la production d’éoliennes en mer sont plus portés par les grosses quantités de matériaux communs que par les petites quantités de terres rares. Les éoliennes sont, en effet, majoritairement constituées de matériaux communs. La structure est en acier, les fondations demandent, suivant le type, de l’acier, du béton, du ciment et des gravillons en proportions variables. Les pales sont des matériaux composites surtout

composées de résine et de fibres de verre et ou de carbone. Parmi les meilleures sources que j’ai trouvées pour les matériaux de base, il y a les bilans carbone réalisés par l’ADEME pour les parcs éoliens de Fécamp et de Saint-Nazaire dans le cadre des débats publics sur ces parcs. En plus, le parc éolien de Fécamp utilise des fondations gravitaires et celui de Saint-Nazaire des monopieux, ce qui permet de voir l’effet de différentes fondations sur l’utilisation de matériaux. Le parc éolien de Fécamp et celui de Saint-Nazaire sont constitués, respectivement, de 83 et 80 turbines de 6 MW. Si on regarde tout l’acier qu’il a fallu pour les éoliennes, leurs fondations et le poste électrique en mer, on trouve respectivement 125 000 et 160 000 tonnes. Avec ces grosses machines, on arrive vite à des quantités impressionnantes mais ça ne veut pas dire grand-chose si on ne met pas en face la quantité d’électricité produite. Je vais donc diviser toutes ces quantités par la production électrique attendue

pour obtenir des quantités de matière par kWh d’électricité produite. Pour les deux parcs, la production électrique attendue est estimée à environ 40 TWh sur 25 ans. Pour le parc de Fécamp, j’obtiens 3 grammes d’acier, 0,2 grammes de pales, 13 grammes de béton et 20 grammes de gravillons par kWh d’électricité produite. Pour celui de Saint-Nazaire, j’obtiens 4 grammes d’acier, 0,2 grammes de pales et 0,1 gramme de ciment par kWh d’électricité produite. On voit que les deux types de fondation font une différence importante sur les matériaux utilisés. Une fondation monopieu demande un peu plus d’acier mais permet de se passer de béton et de gravillons.

Alors, quantité de matériaux par kWh ça ne vous parle sans doute pas. Prenons la consommation électrique en France en 2019: 473 TWh et divisons la par la population. Je trouve 7000 kWh par français en moyenne. Là dedans il y a la consommation directe des clients résidentiels, environ 2 200 kWh par français mais également la consommation des entreprises, des hôpitaux, des écoles… etc. Maintenant, imaginons que tout ça soit intégralement produit par de l’éolien en mer juste pour se faire une idée de ce que ça impliquerait comme utilisation de matériaux.

Dans ce cas, il faudrait par français et par an 21 kg d’acier, 91 kg de béton et 137 kg de gravillons dans le cas de fondation gravitaire et 28 kg d’acier et un peu moins d’un kilo de ciment dans le cas de fondation monopieu. Dans les deux cas, il faut ajouter un peu plus d’un kilo de pales. Bon Okay… Cette quantification ne vous parle sans doute pas beaucoup plus. Ça peut même

paraître beaucoup parce qu’on a très peu de repères sur les flux de matériaux derrière notre mode de vie. Pour vous aider, je peux regarder ce que ça aurait donné avec du charbon. Si je prends le même point de repère et que je veux produire 7 000 kWh qu’avec des centrales au charbon, il faudrait chaque année par français 3,5 tonnes de charbon en plus de l’acier et du béton de la centrale. Cet exemple permet de rappeler les quantités de matière colossale derrière l’utilisation de ressources fossiles. D’ailleurs,pour avoir un autre point de repère on pourrait mettre ces quantités de matière en face de ce qui est utilisé, chaque année en France. Si je divise ça

par la population, j’obtiens 6 tonnes par an et par personne pour les ressources minérales non métalliques comme le béton, le sable ou les gravillons.. 0,3 tonnes par an et par personne pour les ressources métalliques. Et, encore plus gênant, autour de 2 tonnes par an et par personne pour les ressources fossiles. Et oui… un français utilise en moyenne deux tonnes de ressources fossiles par an. Évidemment tout ça ne passe pas par votre caddie ou votre pompe à essence. Ce sont les matériaux pour construire les routes, les nouveaux rond points, les hôpitaux, les écoles ou les habitations, les ressources fossiles pour chauffer les lieux publics, faire des engrais ou amener votre nourriture jusqu’au supermarché, les métaux pour les lampadaires, les voitures, les trains ou le réseau de gaz. Et tout plein d’autres

trucs. C’est bien de s’interroger sur les matériaux derrière les énergies renouvelables et de questionner nos besoins. C’est vrai que les énergies renouvelables sont un peu plus gourmandes en matériaux que le nucléaire. C’est également vrai qu’elles ont besoin de plus de métaux que les moyens de production fossile. Mais, en réfléchissant à ces questions, on ne peut pas oublier les flux énormes de ressources fossiles derrière le fonctionnement actuel de notre société. En France, on importe annuellement 170 millions de tonnes de ressources fossiles et c’est ça qu’on doit réduire au plus vite.

Et il y a un autre aspect fondamental à prendre en compte. Les ressources fossiles sont détruites à l’utilisation alors que les métaux forment un stock dont une proportion très importante est recyclable. Ce qui fait une transition parfaite vers la question de la fin de vie et du recyclage. Quand un parc éolien en mer s’approche de la durée de vie pour laquelle il a été construit, il y a plusieurs options. Si les machines sont encore en bon état, on peut envisager une extension de la durée de vie. Cette extension est avantageuse sur le plan

économique et écologique puisque les coûts et les impacts de la construction ont déjà eu lieu. On peut également faire un remplacement partiel ou total de l’installation existante. On peut remplacer les pâles si ce sont les seules pièces abîmées. Si on change toute la nacelle pour une éolienne de puissance similaire, on peut garder les fondations et le mât. Si on augmente la puissance, ça peut demander de renforcer les fondations voire le câblage.

Ce qui peut être gardé dépend de l’usure des installations et de l’évolution envisagée pour le parc. C’est un calcul économique et écologique puisque la réutilisation d’une partie de l’installation permet d’éviter des impacts environnementaux en diminuant les besoins en matériaux. En cas de réemploi des fondations et des câbles, on évite également la phase d’installation de ces composants qui est la phase la plus impactante pour les espèces vivantes dans les eaux environnantes. Le démantèlement intégral d’un site est la solution la moins intéressante et on la verra probablement peu. Mais un démantèlement intégral n’a rien d’impossible. D’ailleurs, le premier parc éolien, construit au Danemark en 1991, a été démantelé entièrement en 2017.

Des garanties financières permettant le démantèlement d’un parc éolien en mer sont constituées dès le début d’un projet. Le démantèlement se fait en plusieurs étapes. Les éoliennes et le poste électrique en mer sont démantelés avec des moyens similaires à leur installation et les matériaux sont ramenés à terre. Le démantèlement des fondations et le retrait des câbles est également prévu, sauf si l’impact environnemental du démantèlement est jugé supérieur à l’abandon des pièces sur site. Par exemple, pour des socles de béton, on peut juger préférable de laisser une partie de ce matériau inerte au fond plutôt que d’affecter l’environnement en allant excaver cette masse.

La fondation est retirée mais pas forcément entièrement. Dans le cas d’une fondation monopieu, le tube d’acier est coupé un peu en dessous du fond marin pour éviter que la partie résiduelle affleure. On laisse donc une partie du tube dans le fond marin. C’est une opération courante, notamment dans l’industrie pétrolière et gazière.

Laisser un gros bout d’acier dans le sol marin ne pose pas de gros problèmes environnementaux mais ça peut avoir des effets gênants: par exemple si on veut venir poser autre chose sur le fond marin comme d’autres éoliennes. Il y a donc des recherches pour voir comment le retirer entièrement. Une éolienne est constituée pour une grande part de métaux et les matériaux ramenés au port sont, pour la majorité, recyclables. L’acier, notamment, est l’un des matériaux

les plus recyclés au monde et l’intérêt écologique de ce recyclage est indiscutable. La partie qui, actuellement, soulève le plus de questions, ce sont les pales qui constituent 10 à 15% du poids d’une éolienne en mer si on exclut les fondations du calcul. Les pales sont faites de matériaux composites qui ne sont, actuellement, pas recyclables. Les volumes de pales en fin de vie sont faibles aujourd’hui puisque le déploiement de l’éolien est récent par rapport à la durée de vie des machines. Mais, il faut anticiper l’arrivée en fin de vie de quantités importantes de pales dans les prochaines décennies. Vous avez peut-être déjà vu des photos qui montrent l’enfouissement de pales aux États-Unis. L’enfouissement des pâles est une réalité pour certains pays mais

pas chez nous. À ma connaissance, aucune pale n’est enterrée en France et l’enfouissement est pratiquement impossible en Europe. D’ailleurs certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas ou la Finlande l’ont interdit et d’autres suivront. Ces photos beaucoup partagées ne sont pas du tout représentatives de la situation européenne, contrairement à ce que croit certains. Du coup, je n’ai même pas creusé la question des potentiels

impacts de ces enfouissements. Au pire, les pales peuvent être valorisées énergétiquement, comprendre incinérées. Le contenu énergétique est faible mais ça permet de s’en débarrasser. Mieux, les pales peuvent être utilisées dans la production de certains matériaux de construction. On peut, par exemple, incorporer les pales dans la production de ciment. Les

résidus de pales vont venir substituer du sable et de l’argile et réduire les besoins en énergie en remplaçant des énergies fossiles. En plus d’éviter l’enfouissement des pales, on réduit donc les besoins en sable, une ressource qui se fait rare et les émissions de CO2 induites par la production de ce ciment. Siemens Gamesa a récemment annoncé le lancement de la première pale recyclable pour l’éolien en mer. Cette évolution récente changera peut-être la donne sur la question du recyclage des pales mais sera applicable que dans quelques années et uniquement pour les pales conçues avec cette technologie. Il existe différentes initiatives pour trouver des solutions de recyclage aux pales utilisées aujourd’hui et permettre une meilleure valorisation des matériaux qu’elles contiennent.

Vous vous en doutez, l’utilisation de ces matériaux induit des émissions de CO2 auxquelles il faut ajouter celles induites par les transports, l’installation, l’entretien et le démantèlement. Vous voyez, sur ces quantifications issues du rapport de RTE et valables pour la France, que les émissions de CO2 associées à l’éolien en mer sont très proches de l’éolien terrestre et légèrement supérieures au nucléaire et à l’hydraulique. L’éolien en mer fait incontestablement partie des technologies bas carbone. D’ailleurs, dans un exercice précédent, RTE avait estimé que la production française éolienne et photovoltaïque permettait déjà d’éviter 22 millions de tonnes de CO2 par an dont 17 millions en dehors de nos frontières. 22 millions de tonnes c’est loin d’être négligeable, c’est l’empreinte carbone de plus de deux millions de français. Ceux

qui prétendent que la production éolienne française n’a eu aucun effet sur les émissions de CO2 n’ont pas les éléments scientifiques et techniques de leur côté. Avec les améliorations technologiques et la décarbonation progressive de l’économie, les facteurs d’émission des technologies bas carbone vont continuer à se réduire à l’avenir et l’écart va se resserrer entre les différentes technologies. Une objection qu’on pourrait faire à ce type de représentation, c’est qu’on compare des moyens de production pilotables qu’on peut faire varier à la demande avec d’autres qui sont soumis aux caprices de la météo. Mais, encore une fois, la prise en compte

des flexibilités ne peut se faire qu’au niveau du système électrique dans son ensemble et sur cet aspect, je vous renvoie encore une fois vers ma vidéo sur le rapport de RTE. On y avait vu, entre autres, que même dans les scénarios 100% renouvelables, le système électrique de 2050 était moins émetteur que celui d’aujourd’hui qui repose sur des ressources fossiles pour près de 10% de la production d’électricité. Pour produire les matériaux, pour le transport, pour l’assemblage des turbines, pour les entretenir et les démonter, il nous faut pas mal d’énergie. Mais, rassurez-vous, une éolienne en mer produira bien plus d’énergie qu’il en a fallu pour la construire, l’installer et la démanteler. Combien de fois de plus ? C’est ce qu’on appelle le taux de retour énergétique et pour une éolienne en mer, ce taux de retour énergétique est autour de 20. C’est-à-dire

qu’elle fournira environ 20 fois plus d’énergie qu’il en faut pour la produire, l’installer et la démanteler. Une autre manière de comprendre cette quantification, c’est de dire qu’une éolienne en mer mettra autour d’un an pour compenser l’énergie utilisée pour sa production, son entretien et son démantèlement alors que sa durée de vie totale est estimée autour de 25 ans. Les éoliennes produisent bien plus d’énergie qu’elles en nécessitent et sont, selon ce critère, une excellente manière de produire de l’électricité. Je lis parfois comme argument contre l’éolien que nous avons besoin de ressources fossiles pour construire tout ça. C’est vrai que ces éoliennes ont besoin d’acier pour lequel on utilise du charbon et de bateaux qui utilisent du pétrole pour les installer, les entretenir et les démanteler. Mais, d’abord, il n’y a pas de fatalité de ce côté là. Au fur et à mesure qu’on transformera les procédés de notre société, on deviendra de moins en moins dépendants aux ressources fossiles. On ne peut pas tout changer instantanément.

Ensuite, ce qu’on essaie de faire c’est de réduire au maximum et le plus vite possible notre consommation de ressources fossiles et les moyens de production d’électricité bas carbone peuvent aider à le faire. En fait, c'est probablement l’utilisation de ressources fossiles la plus facile à justifier parce qu’elle permet de réduire cette consommation derrière. C’est en quelque sorte un investissement de ressources fossiles pour permettre une réduction ensuite. Comme j’ai vu dernièrement plusieurs discussions sur ce sujet, je vais dire quelques mots de l’effet du changement climatique sur la production éolienne et de l’effet des éoliennes en mer sur la météo locale. Ce sont essentiellement des différences de température entre des masses d’air qui produisent les vents. Il peut donc être légitime de se poser la question de l’impact du changement

climatique sur les vents et donc la production éolienne. Cet impact dépend des régions et il y a encore pas mal d’incertitudes sur ce sujet. Mais, la vitesse moyenne du vent aurait décru en Europe pendant les dernières décennies. Bien qu’ils divergent et que cette question reste très incertaine, les modèles climatiques montrent plutôt un ralentissement des vents en Europe avec l’augmentation de la température globale. Un article scientifique qui se concentre sur la production éolienne en France trouve que suivant les modèles et les scénarios climatiques considérés, l’impact du changement climatique sur la production éolienne varie entre une réduction de 8% et une augmentation de 3%. La question reste donc incertaine mais les effets sont plutôt faibles même dans des scénarios d'élévation importante des températures.

La production éolienne affecte localement le climat. Prendre de l’énergie cinétique aux masses d’air ralentit les vents et peut donc affecter la température et l’humidité. Ça produit également des turbulences rendant les vents plus difficiles à exploiter pour les éoliennes sous le vent. Ces effets sont mesurés, étudiés et simulés mais se limitent à quelques dizaines de kilomètres derrière un parc éolien. La prise en compte de ce phénomène est importante pour la répartition spatiale des éoliennes. D’un côté on

aimerait regrouper les parcs éoliens pour réduire les coûts de raccordement mais, d’un autre, avoir beaucoup d’éoliennes au même endroit réduit la quantité et la qualité du vent disponible. Ces effets de proximité sont donc surtout importants pour les promoteurs éoliens qui doivent minimiser les coûts de production. Comme toujours ce n’est pas exaustif.Je n’ai pas parlé de tous les impacts environnementaux.

Et je n’ai pas parlé notamment des questions de biodiversité qui sont importantes: pas d’inquiétude ces questions sont couvertes par Valentine. Oui bonjour, vous avez dit impacts environnementaux ? C'est moi. Contrairement à ce qu'on pourrait penser (et à ce que je pensais moi-même avant de me pencher sur le sujet) le tableau n'est pas tout noir loin de là. Si je dis pas de bêtises, le plus gros impact négatif sur les bêtes marines serait le bruit pendant le chantier d'installation du parc éolien.

Alors ça dépend des fondations, ça dépend des techniques utilisées et des éventuelles parades pour limiter les nuisances sur la faune mais ça peut déranger les bestioles voire les rendre sourdes plus ou moins définitivement, surtout les mammifères marins qui sont très sensibles de l'ouïe. Le bon côté, c'est qu'une fois installés, les parcs éoliens vont jouer un double effet kiss cool sur la biodiversité locale : un effet réserve (en gros l'accès à la zone sera limité pour les autres activités dont la pêche, donc c'est un peu le club med pour la faune qui peut s'y reproduire gaiement), et aussi par ailleurs un effet récif. En gros, le socle et le mât des éoliennes vont former un nouvel habitat à coloniser pour la faune et la flore marine, et ça nous fera plein de petits hotspots de biodiversité sur quelques dizaines de mètres autour de chaque éolienne. Donc non seulement c'est le club med, mais en plus le buffet est à volonté. Bref, si vous voulez en savoir plus je vous donne rendez-vous sur ma chaîne pour toujours plus de fun.

L’éolien en mer est un moyen de production d’électricité bas carbone, efficace, relativement sobre en matériaux et, pour une large part, recyclable. Il se distingue de l’éolien terrestre par une production plus abondante mais est plus coûteux. L’éolien en mer permet d’accéder à d’importants gisements de vent, notamment si on développe l’éolien flottant. Son principal défaut est sa dépendance à la météo mais cette question ne peut s’apprécier qu’en examinant l’ensemble du système électrique. J’avais expliqué dans la précédente vidéo que l’intégration de grandes quantités d’éolien et de photovoltaïque posait encore des questions techniques et que se passer entièrement de nucléaire pouvait être risqué. Mais, qu’on construise ou non du nucléaire dans les prochaines décennies, la France aura très probablement besoin de l’éolien en mer et on a vu qu’il a une place importante dans tous les scénarios envisagés par RTE pour le système électrique français en 2050.

Dans les défauts, il y a également les effets sur les espèces animales et végétales qui varient entre les sites et les installations et ne sont pas tous négatifs. Vu que je n’ai pas couvert ces aspects, je vous renvoie vers la vidéo de Valentine pour ce sujet. Je pense que c’est une question qui s’apprécie plutôt localement parc par parc.

Les avantages de l’éolien en mer n’impliquent pas de devoir accepter n’importe quel projet. Mais, les oppositions doivent pouvoir formuler des alternatives. On peut discuter de nos besoins en électricité et de la société dans laquelle on veut vivre. On peut choisir entre différentes proportions d’éolien en mer, d’éolien terrestre, de photovoltaïque ou de nucléaire. Mais, on ne peut pas refuser tous les projets si on veut continuer de jouir d’une électricité bas carbone et économiquement accessible. Le cadre des débats publics permet

de mieux se renseigner sur ces questions énergétiques pour faire des choix pertinents. Merci à tous d’avoir regardé cette vidéo sur un sujet dont vous entendrez parler de plus ou en plus souvent, notamment si vous habitez sur la côte près de sites pouvant accueillir des éoliennes en mer. Si c’est le cas, n’hésitez pas à participer aux débats publics qui ne manqueront pas d’être organisés. Je vous encourage évidemment à aller visiter le site du débat public sur le parc éolien en mer au large de l’île d’Oléron. Je suis tombé plusieurs fois sur des sites de

débats publics lors de mes recherches et je peux vous dire que ce sont des sources d’information très intéressantes. Le débat public sur le parc éolien en mer au large de l’île d’Oléron a également produit un petit jeu en ligne pour permettre d’informer et de recueillir des avis de manière ludique. Mettre ce problème complexe sous forme d’un jeu est difficile mais je trouve l'initiative intéressante et vous pouvez même donner votre opinion sur ce petit jeu à travers un questionnaire rapide à remplir. Je vous encourage donc également à y participer. Je remercie mes collègues Valentine et Dimitri pour leur participation à cette vidéo et je vous encourage à aller voir les leurs. Je remercie les relecteurs qui font un travail important et ingrat pour que mes vidéos comportent le moins possible d’approximations et d’erreurs.

Cette vidéo est un partenariat je suis rémunéré pour la faire mais ma première source de revenu reste le financement participatif. Un grand merci donc à tous ceux qui me soutiennent financièrement et permettent à cette chaîne d’exister. C’était le Réveilleur et à bientôt sur le net.

2022-01-19

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