La mystérieuse armée de terre cuite du 1er empereur chinois

Show video

Mes chers camarades bien le bonjour !  Depuis le début de l'année, on a commencé  un voyage au cœur de l’Histoire de la Chine.   Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de  nous attaquer à un monument de l’archéologie   chinoise : la tombe du Premier Empereur de  Chine et sa fameuse armée en terre cuite.  Alors, autant prévenir que d’ici la fin de la  vidéo, vous n’aurez plus du tout envie d’entendre   parler de la « Momie 3 » avec Jet Li. Déjà parce  que c’est pas ouf et ensuite parce comme toutes   découvertes célèbres, nous allons profiter de ce  sujet pour revoir les faits historiques, mettre au   clair certains points et évidemment défoncer  des idées reçues. Et y’en a quelques-unes… Juste pour vous mettre dans l’ambiance, il faut  le savoir avant de commencer, on ne déconne   pas avec cette tombe ! Quand les petits soldats  voyagent à l’occasion d’expositions temporaires,   il s’agit d’en prendre soin. Et surtout de ne  pas faire comme un certain Michael Rohana.  

Un soir de décembre 2017, au Franklin Institute à  Philadelphie (Etats-Unis), où l’armée est exposée   depuis quelques mois, ce jeune troubadour de 24  ans s’échappe d’une fête de Noël pour s’immiscer   en pleine nuit au cœur de l’exposition.  Bien torché, il fait quelques selfies,   et puis décide de ramener un petit souvenir  en cassant le pouce de l’une des statues. Imaginez l’incident diplomatique  pour une phalange estimée à 4,5   millions de dollars ! Le dommage est  irréparable, et autant dire que ce   n’est pas demain la veille que l’armée  reviendra en Occident. Merci Michael ! Donc en attendant de pouvoir aller les  observer en Chine et faire comme tous   les chefs d’États un petit selfie devant l’armée,   on va revenir à une époque hyper importante  dans l’histoire de la Chine : lorsque celle-ci   est unifiée au 3ème siècle avant notre ère.  D’ailleurs, je vous le dis pour faire simple,   toutes les dates dans cette vidéo sont  avant l’Ere commune.  Allez, c’est parti ! 

Notre histoire commence avec la période  dite des « Royaumes-Combattants » qui   s’étend du 5ème s. à 221. Son nom est déjà  utilisé dans les textes de l’antiquité pour   désigner une phase durant laquelle un  certain nombre de royaumes indépendants   se tapent dessus pour essayer d’être le  meilleur. Resituons pour comprendre.  En ces temps lointains, régnait la dynastie  des Zhou Orientaux (-771-221). Le pouvoir   royal gouverne un territoire qui n’est pas  du tout celui de la Chine actuelle. Il se   cantonne aux territoires situés, en gros, du  nord du fleuve jaune jusqu’au fleuve bleu.  Mais voilà, au fur et à mesure du temps, le roi  des Zhou commence à perdre en légitimité pour   gouverner. Les vassaux commencent à se forger  des territoires de plus en plus puissants :  

ils deviennent les hégémons qui  vont être maîtres de larges fiefs. Hégémons comme hégémonique, le fait  d’avoir un grand pouvoir dans l'État. A l’image des Lannister, des Stark,  des Tyrels dans Game of  Thrones,   les grandes puissances s’affrontent entre  elles, créent des alliances, se trahissent,   se font la guerre. Ce qui me donne envie  de revoir toute la série au passage,   même la saison 8 ! Comme le souligne Jean  Lévi, un orientaliste spécialisé sur la Chine,   les guerres de plus en plus fréquentes vont  bouleverser les rapports sociaux et pousseront   à un encadrement sévère des populations dans  un réseau administratif aux mailles extrêmement   serrées. De grandes personnalités comme  Confucius, Mencius, Sun Zi y voient le jour. 

Au tournant du 3ème siècle, les maisons  centrales, que sont les Wei, Han, Song,   Qi et Yan située au cœur de la Chine, vont petit  à petit perdre en importance au profit de deux   grands Etats : les Chu sur le fleuve Bleu, et  les Qin, le long de la boucle du Fleuve Jaune.  L’histoire des Qin remonte dès la haute antiquité.   Étant donné leurs positions près des   frontières naturelles avec la steppe,   ils ont souvent été appelés par la maison royale  des Zhou pour protéger le cœur du royaume.  Au fur et à mesure du temps, ils se renforcent  notamment en réorganisant leurs administrations,   s’enrichissant par l’agriculture et le  commerce et surtout en appliquant une   discipline générale basée sur le système de  la méritocratie. Les fonctionnaires, généraux,   nobles forment les nouvelles élites  qui écartent la vieille aristocratie,   et accèdent aux postes clés du pouvoir  par le résultat de leurs exploits. 

Si  

tu ne fais pas du bon boulot, faut  pas te faire trop d’espoir quoi ! Au troisième siècle avant , un certain Zi  Chu règne sur Qin jusqu’en 246 av. notre   ère. A sa mort, succède son fils Ying Zheng :  le futur Premier Empereur. N’ayant que 13 ans,   le pouvoir est entre les mains de son tuteur  et homme influent, Lü Buwei. Ce dernier fera  

beaucoup pour asseoir la domination des Qin sur  les autres États. D’une certaine façon, il est   le premier à vouloir unifier les royaumes sous  la seule bannière des Qin. A sa mort Ying Zheng,   maintenant âgé de 21 ans, assume pleinement ses  fonctions de roi et s’impose par la force et la   ruse auprès des fiefs voisins qu’il parvient à  unifier en 221 av. notre ère. C’est alors qu’il   change son titre de roi (Wang) pour celui de Qin  Shi Huangdi, « Premier Auguste Souverain des Qin».

Pour que vous vous fassiez une idée du  bonhomme, je vous propose d’écouter la très   belle description que nous trouvons dans « Les  Mémoires Historiques » rédigés par Sima Qian,   historien à la cour impériale des Han (celle  qui succède aux Qin), un siècle plus tard : « Le roi de Qin est un homme au nez proéminent,  aux yeux larges, à la poitrine d’oiseau de proie ;   il a la voix du chacal ; il est peu  bienfaisant et a le cœur d’un tigre   ou d’un loup. Tant qu’il se trouve embarrassé,  il lui est facile de se soumettre aux hommes ;   quand il aura atteint son but, il lui sera  également aisé de dévorer les hommes. » Voilà, donc sur Tinder, ce n’est pas tellement  le profil qui déclenche des rencards !  Le Premier Empereur conduit une politique  d’unification du monde. Depuis sa capitale   Xianyang, le long de la rivière wei, il  fait venir 120 000 familles venant de tout   l’Empire.

Alors qu’on le rappelle, jusqu’à il  y a peu, c’était la baston générale ! Imaginez   l’impact social de ce brassage culturel de  familles qui se détestaient entre elles. Je  

peux vous dire que dans les tavernes  ça devait dégénérer régulièrement ! C’est sûr, il y avait beaucoup de travail  pour donner une harmonie à des territoires   qui s’affrontaient depuis des siècles. Au-delà  de ça, il unifie la taille des essieux de chars   (et donc des routes) pour assurer une  meilleure communication, régularise les   poids et les mesures, harmonise les monnaies,  simplifie l’écriture pour l’envoi de courriers   et forme une longue ligne défensive au nord  destinée à repousser les menaces de la steppe.  Sa politique est portée par le légisme, une  philosophie qui se base sur le respect d’un   code pénal stricte et que son ministre,  Li Si, fait appliquer à la règle.  Disons que cette doctrine ne fait pas  bon ménage avec les autres courants de   pensées qu’il décide de censurer  en 213 av. notre ère. après qu’un   confucéen décide lors d’un banquet  de remettre en cause sa politique.

Qui dit censure, dit autodafé, et assassinats.  D’ailleurs, il est victime de plusieurs tentatives   d’assassinats, comme cela est habilement  montré dans le film Hero avec Jet Li.   L’Empereur, arrivé au sommet, craint plus  que tout la mort et par tous les moyens,   il veut lutter contre. C’est pourquoi il se  décide à claquer un pognon de dingue dans des   campagnes destinées à obtenir le fameux élixir  de l’immortalité. L’alchimiste Xu Fu,  est envoyé   en plein dans la Mer de l’Est à la recherche  des îles où vivent les immortels et où il est   possible de se procurer ce breuvage. Accompagné de  plusieurs milliers de personnes, Xu Fu ne revient   jamais.

En réalité il s’est barré au Japon  oui...Bref, d’autres alchimiste lui préconisent de  

manger des « perles rouges » de cinabre, autrement  dit, du sulfure de mercure. Un super conseil qui   le conduit très certainement à sa mort, lors d’une  inspection générale des commanderies impériales,   le 10 septembre 210 ! Son inhumation est à  l’image de son règne : unique et gigantesque. On a un peu trop souvent tendance à dire  que la découverte de la tombe de l’empereur,   au XXème siècle, se fait au temps  de l’époque Maoïste. Mais en fait,   c’est le sinologue et archéologue  Victor Segalen qui est le premier   à dresser une description très précise de  l’extérieur du mausolée impérial. Il fait   des relevés topographiques du site  et réalise plusieurs photographies. 

Mais il faudra attendre 1974, pour que le monde  entier s’intéresse à ce complexe funéraire. Un   beau jour de mars en plein soleil, au cœur du  village de Xiyang, Yang Zhifa et ses cinq frères   creusent un puits et dégagent des pointes  de flèches et des briques de terre cuite. Sur le moment, je ne vous cache pas que  personne ne se préoccupe vraiment de la   découverte. On utilise même des briques  pour en faire des oreillers. Parce que   oui, en Chine  la literie peut être composée  de lits, d’oreillers et de couvertures en   BRIQUES. Moi qui aime bien les matelas un  peu durs, faudrait que j’y pense !

Yang  

Zhifa apporte en charrette au district  local ce qui sera les premiers fragments   de l’armée en terre cuite et les vend pour  la modique somme de 10 yuan, soit 1,28€. Un bon prix.
 En mai 1974 (soit trois mois après),   une mission archéologique se rend sur les lieux  et commence à dégager ce qui sera la fosse de   l’armée. Les fouilles s’étendent rapidement pour  englober plus de 20 000m² de surface, et livrent   des découvertes dont on va maintenant parler.    L’immense complexe funéraire  est aménagé au pied du Lishan,   le « mont du Cheval noir ». Il s’étend  sur une surface approximative de 60   km² à environ 36 kilomètres à l’est de  Xi’an, la capitale régionale du Shaanxi.

Premier cliché à casser : l’armée  en terre cuite, malgré sa célébrité,   ne représente qu’un tout petit morceau du complexe  funéraire, et elle ne se trouve pas du tout dans   l’enceinte sacrée. Elle est située à 1,2km à l’Est  de cette enceinte où se trouve la grande majorité   des ensembles dédiés à la mort du souverain.  Et c’est par là que nous allons commencer.  Ce complexe funéraire est appelé « Jardin  funéraire (lingyuan), il s’agit du saint   des saints orienté sud-nord, protégé par trois  enceintes fortifiées construites en blocs de   pisés, qui avaient la même fonction  architecturale que les forteresses.   C’est tout autant un lieu de mort que de vie  en constante activité, car cette zone est avant   tout un gigantesque chantier de constructions  qui dure plus de 37 années, et qui accueille   plusieurs milliers de personnes par jour ! En gros c’est une « ville ». Alors, pendant tout   ce temps, il fallait bien loger les fonctionnaires  et même les soldats pour protéger le lieu mais   aussi les ouvriers, à l'extérieur de l’enceinte  bien évidemment, faut pas déconner quand même ! On y trouve aussi des bureaux pour recevoir  les offrandes, une immense salle à banquets,   une nécropole pour les concubines sacrifiées… ….Ah oui désolé, je ne vous avais pas prévenu  pour les concubines sacrifiées…
et on y installe  

aussi la fameuse salle du repos. C’est le temple  de l’Auguste Empereur. Du temps de son vivant,   on y exposait dans cette salle son sarcophage. A  sa mort, son corps est exposé au cœur du temple,   avec ses affaires personnelles  pour que le monde entier viennent   se recueillir et faire des prières devant  sa dépouille, un peu comme avec le Pape.  Lorsque le sarcophage est enfin scellé, celui-ci  est transporté à la chambre funéraire proprement   dite. Elle est coiffée d’une pyramide à degrés,  élevée sur un plan quadrangulaire (un peu comme   à Saqqara, pour les fans de l’Egypte) et qui  pouvait atteindre les 87 mètres de haut. 

Voilà ! Comme ça, c’est bien visible pour  tout le monde, et toute personne qui décide   d’y promener son chien d’un peu trop près  risque de se prendre une flèche. Surtout   que l’Empereur n’a pas choisi l’endroit  par hasard. Sa tombe fait face à un axe   très prisé du commerce le long de la rivière  wei, un affluent principal du Fleuve Jaune.  Pour le coup, que l’on soit clair, la  tombe impériale, encore aujourd’hui,   n’a jamais été fouillée. Et ça pour plusieurs  raisons. Déjà les archéologues ne veulent pas   se retrouver face à une tombe pillée, ce qui  pourrait avoir des conséquences symboliques   particulièrement mauvaises. Oui, car c’est  souvent le cas que les tombes d’élites soient,  

quelques années à peine après l’inhumation,  les cibles de vandalisme et de pillages.   Il faut dire aussi que les spécialistes attendent  de pouvoir disposer de technologies suffisantes   pour être à même de protéger ce qui se trouve  au sein du tumulus. Ils craignent d’ailleurs   de tomber sur des pièges, destinés à repousser  les intrus et les archéologues en vrai c’est   pas Indiana Jones. Donc s’ils rentrent,  ils se prennent le piège dans le pif et  

au suivant ! Donc ils sont moyens chauds on  va dire… D’ailleurs la crainte est justifiée,   comme nous l’indique cette description de  ce qui devrait se trouver à l’intérieur de   la tombe que nous devons à nouveau à notre  cher Sima Qian, et dont voici un extrait : « Au neuvième mois, le Premier Auguste Empereur  fut inhumé près du mont Li. […] quand il unifia   le monde, il y envoya 700 000 personnes.  […] [On ordonna] aux artisans de fabriquer   des arbalètes et des traits, prêts  à être décochés au cas où quelqu’un   essaierait de violer la sépulture. Avec  du vif-argent (c’est-à-dire le mercure),   on fit les 100 fleuves.[…] Le plafond  figurait le ciel, le sol, la Terre. »  Les archéologues chinois ont effectué des  prospections au-dessus du tumulus, et ont bien   trouvé un taux élevé en mercure. C'est la preuve  que la description semble probable, et donc sans  

doute la suite aussi. Un peu parano, l’Empereur  décréta en tout cas qu’il ne pouvait mourir seul.   Non seulement on sacrifia toutes les veuves  des précédents souverains (une bonne dizaine   au moins), mais on enterra aussi vivant les  artisans chargés de la construction de la tombe. Voilà, comme ça, vous avez une bonne impression  générale de ce sympathique personnage !  C’est donc tout naturel que tout autour de cette  immense pyramide funéraire, les archéologues   découvrent des fosses d’accompagnements  sacrificielles. Mais comme on ne pouvait   pas massacrer l’ensemble de la population  chinoise pour les beaux yeux de l’Empereur,   (enfin, peut-être qu’il en avait l’intention,  mais comme il est mort en tournée d’inspection,   il a fallu s’adapter), il fallait pouvoir  aussi substituer les humains sacrifiés par   des objets que les chinois de l’antiquité  appellent : mingqi, un sujet qui doit être   brièvement abordé ici pour comprendre la  raison d’être de l’armée en terre cuite.   Mot-à-mot « Objet lumineux »,  les mingqi  désignent des objets qui ont pour mission   d’éclairer la tombe pour l’éternité, comme  une lampe torche de luxe quoi... Ces objets   se popularisent depuis la période des  Royaumes-Combattants pour remplacer   la pratique jusqu’alors courante du sacrifice.  Ils peuvent prendre la forme d’à peu près tout,  

du moment que l’objet avait une valeur  sentimentale pour le défunt. Cette pratique   continue à être observée encore aujourd’hui,  comme on le voit avec les offrandes funéraires   en papier à Taiwan qui prennent la forme de  produits de consommations associés au défunt.   On retrouve ainsi des offrandes en forme d’I  Phone, d’avion, de Ferrari, de porte clé. Le moment venu si c’est possible  un PC en papier, je dis pas non,   ça doit être classe.     

Au sein du mausolée du Premier Empereur,  ces mingqi sont notamment des statues en   bronze et en céramique représentant des  fonctionnaires, serviteurs, cuisiniers,   palefreniers, acrobates et même scribes. En  gros, toutes les personnes indispensables au   bon fonctionnement du jeune Empire. Et bien  sûr, il ne peut y avoir d’unité sans armée :   ainsi, au lieu de massacrer 8000 bons hommes avec  leurs armures, on va utiliser cette pratique des   mingqi pour sculpter une armée entière destinée  à défendre éternellement la tombe impériale.  Et maintenant que l’on a dit  tout ça, on va enfin pouvoir   s’intéresser à cette armée ! L’intro  était un peu longue, mais nécessaire ! Située à 1,2 km à l’est de l’enceinte, 4  fosses occupent un espace total de 24 780m².   La fosse n°4 est vide, en revanche  les trois autres comptent près de   8500 soldats. Chaque fosse représente  un corps militaire bien spécifique :     • La fosse n°1,   la plus grande et la plus connue, rassemble une  armée entière de fantassins et d’archers (un peu   plus de 6000 statues) : c’est l’avant-garde. Elle  est divisée en 6 rangées chacune menée en tête par  

un quadrige, un char antique sur deux roues.  L’armée s’organise en formation rectangulaire.   Les archées se tiennent prêts pour décocher  leurs flèches, les fantassins attendent le   signal pour charger. Les ailes droites et gauches,  étant identiques, s’ouvrent en éventail, ou se   referment en tenaille, deux formations militaires  destinées à soutenir les unités centrales. 
 • La fosse n°2 (1000 statues environ), en  « L », se compose en quatre blocs. Au nord,   un régiment d’archers entoure une unité  d’arbalétriers. Derrière, en deux blocs  

parallèles, deux chars légers précédent un  escadron de cavalerie. Au sud, se tiennent les   chars lourds et les régiments d’infanterie.  Chacune de ces unités combat peut opérer   seule pour mieux contourner l’ennemi : c’est la  formation dite du «  déploiement concentrique ». 
 • La fosse n°3, en « U » est la plus petite.  Divisée en trois sections elle rassemble le   Quartier Général, avec 68 soldats qui  semblent vouloir protéger l’officier   de haut rang se trouvant au centre, près de  l’unique char. Ce dernier n’est d’ailleurs pas   là et les archéologues pensent que sa tombe  se trouve quelques kilomètres à l’ouest.


Il faut comprendre que personne  n’est censé voir ces armées,   encore moins de les observer de face  comme nous le faisons aujourd’hui.   L’ensemble des fosses était recouvert  par plusieurs niveaux de sols différents,   afin d’en garantir leurs protections contre  les précipitations et, surtout, les pilleurs. A l’origine on a recouvert l’ensemble de  ces fosses par un plafond fait à base de   troncs d’arbres, de couches de natte et de  terre damée. Ces fosses sont pensées comme  

des cryptes au-dessus desquelles devait se  tenir un palais monumental, resté sans doute   inachevé par la mort inopinée de l’Empereur,  et des révoltes qui ont suivi. D’ailleurs,   quand les archéologues découvrent ces statues,  elles sont renversées sur le sol en brique,   détruites par des frappes intentionnées.  Voilà pourquoi beaucoup d’armes ont disparu   des mains des soldats, sans doute prises par les  pilleurs qui s’étaient immiscés dans la tombe.   On va se pencher maintenant sur les  étapes de constructions de ces statues,   car c’est une véritable chaîne de  travail, ordonnée, contrôlée et   organisée qui a été mise en place pour  leur fabrication, à la chinoise quoi ! Les ouvriers travaillent dans un chantier à  proximité des fosses, et sont tout autant utilisés   pour façonner les soldats, que les autres statues  placées au sein de l’enceinte sacrée. Construites   à l'échelle 1/1, ces figures à taille humaine (en  fait légèrement plus grandes que les humains de   l’époque, pour amplifier la portée symbolique de  l’armée) sont fabriquées localement. La matière   première, l’argile, est utilisée pour la formation  de l’ensemble du corps. C’est un véritable puzzle  

à taille humaine. Les artisans disposent de  moules pour façonner les têtes, bras, jambes,   et torses. Les parties sont rassemblées avant de  passer au four.

Imaginez un peu la taille des   fours pour cuire tout ça quand même !  .   Pour être bien certain que le rendu  final est conforme au cahier des charges,   la statue passe par une étape de contrôle.  Chaque atelier doit laisser sa trace en   inscrivant son nom dans l’argile crue. Et  autant dire que l’atelier responsable d’un   défaut passait un sale quart d’heure.  Après la  cuisson, les statues sont laquées puis peintes.

Eh oui, comme les statues grecques en  marbre recouvertes d’une feuille d’or,   celles de l’armée du Premier  Empereur, sont peintes en rose,   rouge, vert, bleu, noir, blanc,  brun… c’était coloré quoi !  Bien sûr, la couleur dépendait de la  fonction. Le rendu final est si réaliste,   que l’on pourrait croire à des portraits. Mais  ce n’est qu’une illusion. Une fois que toutes   les parties sont rassemblées, l’artisan (remarquez  que je ne dis pas artiste ici), travaille l’argile   à froid pour façonner les expressions du visage.  Chaque statue paraît ainsi différente de l’autre. Côté hiérarchie au sein de cette armée de  terre cuite, rien n’est laissé au hasard :   Taille, vêtement, couleur,  coiffe, emplacement, armure,   les artisans respectent à la lettre les  codes de représentations des soldats.    - Les fantassins sont sans armures, tandis   que les officiers de rang moyen sont équipés d’une  armure à tunique avec épaulières et brassards. 

- Le général est vêtu d’une  écharpes ouatée, d’un couvre-chef,   d’une sous tunique, d’une armure qui se termine  en « V »,et d’un couvre-chef appelé He [REU],   du nom d’un faisan célèbre pour ses  qualités de combattant tenace.   - Les arbalétriers qui décochent leurs flèches un  genou à terre, en maintenant l’arc avec les pieds   tandis qu’ils arment la corde, ont besoin d’être  libres de leurs mouvements. Ils portent donc   une cuirasse courte et une jupette, tandis que  leurs cheveux sont retenus par un chignon haut.  Voilà, maintenant vous savez tout sur ces statues   pour faire des blind tests et deviner à  quel rang est associé tel ou tel soldat ! Bon...après tout ça, il est difficile  de parler de ces statues sans aborder,  

ici en conclusion, quelques mystères  qu’ils restent encore à expliquer.  D’abord, aucun texte ancien ne mentionne  l’existence d’une telle armée, alors que   la tombe du Premier Empereur, nous l’avons  vu, est connue du grand historien des Han,   un siècle après l’inhumation. Cette absence  de sources est d’autant plus étonnante que   des pilleurs se sont manifestement rendus  dans la tombe pour prendre les armes. 

Un autre débat domine encore de nos jours  sur la question des influences possibles   pour cette statuaire de taille humaine. Un  chercheur de la SOAS, à Londres, considère   que des artisans grecs se sont rendus jusqu’à  Lintong pour participer à cette entreprise. Alors, soyons clairs : les découvertes  archéologiques en Chine et les textes   anciens attestent de l'existence de statues  de plain-pied bien avant le Premier Empereur.   Donc on peut douter de ça mais cette théorie a  quand même quelques arguments qui se tiennent. Il ne faut pas oublier que depuis les conquêtes  d’Alexandre le Grand, les satrapies grecques,   des morceaux de territoire quoi, sont installées  en Asie centrale, et jusqu’au Pakistan actuel.  

Durant l’époque « Gréco-bactrienne » (250 à 130  av. environ), les rois grecs frappent les monnaies   avec des effigies de dieux grecs, développent  leurs cités qu’ils agrémentent de décors purement   hellénistiques, dont des statues. Et on est  exactement au moment du règne de Qin ShiHuangdi. D’ailleurs, en septembre 2019, on a découvert  un truc dans une tombe située à proximité de   l’enceinte nord qui renforce cette idée. Il  s’agit d’un chameau en or mesurant 25 cm,   et qui est clairement un modèle des  fameux chameaux de Bactriane (États   actuels d'Afghanistan, du Tadjikistan, et  de l'Ouzbékistan). Ces chameaux sont les  

principaux animaux de transport  de marchandises dans le désert,   entre la Chine et l’Asie centrale, là  où régnaient ces dynasties grecques.  Quoi qu’il en soit, il faut garder en mémoire  que cette armée monumentale transformera en   profondeur la structure des inhumations dans les  tombes impériales de la dynastie suivante, celle   des Han. Puisque l’on va en retrouver d’autres des  armées comme ça, sauf qu’il s’agit de soldats de   petites tailles et beaucoup moins travaillés.  En gros…. il y avait plus de pognon !  

Ces changements prouvent donc de façon  assez évidente que la tombe du Premier   Empereur aura fortement marqué les  esprits de ce temps. Voilà les amis,   c’est tout pour aujourd’hui ! Merci à  Arnaud Bertrand qui m’a accompagné une   fois de plus sur la préparation de cet  épisode. Merci également à Tianci Media,   le partenaire qui nous permet de valoriser cette  culture chinoise à travers cette série. J’espère   que cette vidéo vous a plu, on compte évidemment  sur vos partages, c’est super important ! On se   retrouve bientôt sur la chaîne  pour de  nouvelles aventures sur la Chine. Ciao !

2021-04-21

Show video