COMMENT LES MILLIARDAIRES ONT FAILLI TUER LE FOOTBALL

COMMENT LES MILLIARDAIRES ONT FAILLI TUER LE FOOTBALL

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12 cadors européens qui ont dévoilé leur projet d’une Super Ligue, concurrente de la Ligue des champions de l’UEFA. Pour moi, le football, c’est un bien commun. C'est-à-dire que ce sont quelques personnes à la tête de clubs qui décident de confisquer un bien commun. La Super Ligue ! Que vous vous intéressiez au football ou non, vous avez dû voir passer ce tremblement de terre sportif qui a fait réagir Emmanuel Macron et même la famille royale anglaise. Le football, sport le plus populaire au monde, a failli définitivement passer entre les mains des plus riches, au grand désespoir des supporters, mais il aurait finalement été sauvé, après une série de rebondissements étalés sur moins de 4 jours. Pour Blast, je vais vous parler des temps forts de cette affaire qui a fait hurler les plus grands commentateurs sportifs.

Surtout, nous allons revenir sur le modèle économique du football. La Super Ligue n’est pas sortie de nulle part, elle est le symbole ultime d’une logique déjà à l'œuvre depuis plusieurs années, favorisant les clubs les plus riches et leurs propriétaires. Retour sur des dérives, qui sont devenues le coeur du système et sur cette victoire en trompe l’œil pour le football, dans ce numéro un peu spécial de l’émission économique de Blast. Tout a commencé dimanche 18 avril, quand 12 clubs européens, parmi les plus riches du monde, annoncent la création d’une Super Ligue européenne.

Dans le monde du football, c’est un véritable coup d'État. L’instigateur de tout ça, c’est Florentino Pérez, président du Real Madrid, vous savez, le club entraîné par Zidane, qui a engagé un bras de fer féroce avec le président de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football, Aleksander Čeferin. Cette Super Ligue, c’est une compétition privée, autonome par rapport à l’UEFA, et surtout fermée, c’est-à-dire que ses 15 clubs permanents seraient assurés de ne pas être éliminés, rétrogradés dans une compétition moins prestigieuse, à la fin de la saison, peu importent leurs résultats.

Une rupture complète avec la façon dont fonctionne traditionnellement le football, qui repose sur des montées ou des descentes de divisions, en fonction des résultats sportifs des équipes. Pour donner un semblant d’ouverture au projet, ces équipes auraient choisi chaque année 5 autres clubs “invités”, selon des critères pas forcément sportifs, et pour tout dire assez flous. Surtout, le but unique de ce projet, totalement assumé par ses fondateurs, c’était de générer de l’argent. Beaucoup d’argent. Plus de 5 milliards d’euros par an. Soit quasiment trois fois plus que l’actuelle Ligue des champions.

Autrement dit, ce projet actait la sécession des puissantes multinationales que sont les clubs les plus riches, au détriment des clubs plus modestes et du sport en général. Mais, tout ne s’est pas passé comme prévu pour Florentino Perez. Le projet fait scandale. Dès le lendemain, l’Équipe titre “La guerre des riches”, tandis que de nombreux supporters et acteurs du monde du football s’alarment d’un projet qui allait tuer ce sport, “créé par les pauvres, volé par les riches.” Pour moi, le football, c’est un bien commun. C’est-à-dire que c’est quelques personnes à la tête de clubs qui décident de nous confisquer un bien commun, ce qui fait qu’on est d’ailleurs là.

Tout un chacun, dans la vie, parle de foot, adore le foot. On sent que c’est quelque chose qui ne doit pas être, à tout prix, monétisable à outrance. Et moi, c’est ça qui me scandalise. C’est la société. Tu as 20 personnes qui ont plus de 50% des richesses de la planète.

Manger, avoir un toit, un emploi ou des choses comme ça, c’est du bien commun aussi. Tu crois que c’est leur problème ? Mais à ce moment-là, nous ne sommes qu’au tout début de la guerre de pouvoir qui va commencer. 48 heures à peine après l’annonce de ce projet de ligue quasi-fermée entre puissants, coup de théâtre, la plupart des clubs impliqués, avec en tête les clubs anglais de Manchester City, Liverpool, Chelsea, Tottenham, Arsenal ou encore Manchester United, annoncent leur départ de la compétition, sous la pression de leurs supporters. Ça, si vous aimez le football, vous le savez probablement déjà. Mais l’esprit du football est-il sauvé ? Peut-on y voir une victoire des défenseurs d’un football populaire contre les riches propriétaires des plus grands clubs ? Pas totalement.

Oui, on peut voir cet événement comme un sursaut des valeurs sportives portées par les amateurs de football, mais ne vous y trompez pas, le foot-business a encore de beaux jours devant lui. Ce n’est un secret pour personne, le football est devenu ces dernières décennies un business particulièrement juteux. Le dernier rapport “Football Money League” fait le bilan des performances financières des clubs de la saison dernière pourtant perturbée à cause de la pandémie. Principale conclusion : les 20 premiers clubs ont généré une somme considérable de plus de 8 milliards d'euros en 2019 - 2020.

C’est beaucoup, mais le chiffre est en baisse de 12 % par rapport à la saison précédente, qui avait engendré plus de 9 milliards d’euros. Le responsable de ce manque à gagner ? Le Covid, qui a provoqué une baisse des revenus de diffusion, principalement due aux rabais des diffuseurs. Et une baisse des recettes liées aux matchs, car les matchs ont d'abord été reportés, puis annulés ou repris à huis clos. Mais ce n’est pas tout. Le rapport évalue à plus de 2 milliards d'euros le manque à gagner pendant la saison 2020 - 2021 encore en cours, principalement à cause de l’absence de recettes, eh oui, il n’y a plus de billetterie, et des rabais de diffusion des cinq grandes ligues et de l'UEFA. Il faut bien comprendre que cette question du manque à gagner pour les grands clubs pendant le Covid est décisive pour justifier la création de cette Super Ligue européenne.

C’était en tout cas l’argument majeur de Florentino Pérez, le président du Real Madrid et principal artisan de ce projet, aujourd’hui au cœur de la tourmente. Invité lundi 19 avril de l’émission El Chiringuito, Florentino Pérez a déclaré que face à la grave situation que rencontrent les clubs en cette période de pandémie, ce serait la seule chance de “sauver le football”. Rien que ça. Surtout, après avoir passé de longues minutes à expliquer que seules les grandes affiches génèrent beaucoup d’argent, à travers les droits télé, il n’a pas hésité à reprendre la théorie du ruissellement.

Vous savez, cette théorie économique utilisée par Emmanuel Macron pendant sa campagne notamment. Pour que notre société aille mieux, il faut des gens qui réussissent. En très simplifié, c’est l’idée que plus les riches sont riches, plus les modestes s’enrichissent. Autant vous dire que dans l’économie réelle, pour l’instant, ça ne fonctionne pas. Et donc Florentino Perez lui, utilise cette théorie pour l’adapter à la situation du football mondial. Le résultat immédiat de cette théorie aurait surtout été un accroissement sans précédent des inégalités entre les clubs.

Car ce projet, sous couvert de sauver le football, visait surtout à sauver les clubs les plus riches, et en même temps les plus endettés, menacés par des fonds vautours. Ainsi, selon le journal La Gazzetta dello Sport, pardonnez mon italien, le FC Barcelone et le Real Madrid doivent faire face à une dette de plus de 1 milliard d’euros pour le premier et 901 millions d’euros pour le deuxième. En Angleterre, Chelsea affiche une dette record, suivi de près par Tottenham. En Italie, le constat n’est guère plus glorieux du côté de l’Inter Milan et de la Juventus Turin notamment. La priorité des dirigeants : sauver leurs clubs de la faillite, quitte à tourner le dos aux autres équipes.

Ce projet aurait inévitablement créé deux mondes du football distincts : un club très privé regroupant les plus grandes écuries européennes, dans une logique du “sauve-qui-peut”, et les autres, condamnés à se battre pour les miettes laissées par les géants du ballon rond. Seulement, avec ce projet de Super Ligue fermée, c’est l’esprit sportif qui aurait disparu, au profit du divertissement mercantile. Selon l’économiste du sport Pierre Rondeau, dans une vidéo pour nos confrères de Brut, cette Super Ligue est avant tout inspirée des grandes compétitions nord-américaines, organisées autour de franchises largement intégrées au marché du divertissement. D’ailleurs, le principal investisseur annoncé pour financer le projet n’est autre qu’une banque d’affaires américaine, JP Morgan, à travers un accord chiffré entre 4 et 6 milliards d’euros. France 24 posait également la question d’une possible “OPA américaine” sur le football européen. Il est clair que c’est une façon de voir les choses qui n’est pas du tout la façon londonienne traditionnelle...

Le journaliste rappelle que 3 des 6 clubs anglais impliqués sont dirigés par des Américains, et que l’image du sport véhiculée par ce projet était plus proche d’une vision américaine, “à la NFL”, la Ligue américaine de football, que du sport populaire avec véritablement un mouvement social autour de lui qui anime des millions d’Anglais. Cette crise est donc le reflet du divorce entre les intérêts des grands clubs qui fonctionnent comme des entreprises, appartenant à des milliardaires, et le football des supporters, animés par la passion pour leur club de cœur. Que l’on pense aux présidents de Manchester United, les frères Avram et Joel Glazer, propriétaires de franchises américaines de la NFL, au propriétaire de Chelsea, Roman Abramovitch, homme d’affaires et oligarque russe, ou à Florentino Pérez, PDG d’une entreprise de construction et qui ne cesse de se vanter d’avoir redressé économiquement le Real Madrid au début des années 2000, les présidents et propriétaires considèrent avant tout leurs clubs comme des entreprises qui doivent gagner de l’argent.

Il faut dire que la crise du Covid sert surtout de prétexte pour justifier une nouvelle étape dans la marchandisation du football. Concrètement, cette Super Ligue européenne aurait considérablement augmenté les inégalités entre les participants permanents de la Super Ligue et les autres. Selon le modèle, chaque club fondateur aurait pu recevoir, rien qu’en rejoignant la compétition, jusqu’à 355 millions d’euros. 32,5% des recettes seraient allées directement dans les poches des 15 équipes permanentes, puis 32,5% auraient été répartis entre les 20 participants de l’édition, 15% pour la notoriété des équipes, estimée en fonction de leur audience, et enfin seulement 20% en fonction de leur mérite sportif. L’essentiel, c’est que tous les participants auraient gagné au moins 145 millions d’euros, c’est-à-dire que le dernier gagnerait plus que le vainqueur final de l’actuelle Ligue des champions, dont la récompense s’élève à 140 millions d’euros. A titre de comparaison, le budget de clubs comme Cadiz, en première division espagnole, est de 45 millions d’euros, pour jouer contre le Barça ou le Real, tandis qu’Atalanta, club le “plus pauvre” de Ligue des champions en 2020, a un budget de 140 millions d’euros, 5 à 6 fois moins que les deux géants ibériques.

Une telle garantie a évidemment de quoi attirer des clubs riches mais dont les résultats européens sont décevants ces dernières années, comme les clubs italiens. Certains clubs parmi les fondateurs ont même des difficultés, ne serait-ce que pour se qualifier en Ligue des champions, comme Arsenal et Tottenham, actuel 9e et 7e de Premier League, ou cette année, de la Juventus de Turin, 4e de Serie A, à 2 points de la 5e place. Leur présence dans une compétition majeure, dont ils seraient en plus permanents, est donc uniquement justifiée par leur richesse, et non par leurs mérites sportifs.

Car au cœur du conflit entre l’UEFA et ces grands clubs, on trouve avant tout la question sensible de la répartition des droits TV, qui représentent l’essentiel des recettes générées par les clubs, comme l’explique si bien Florentino Pérez. Le but de ces clubs, c’est de pouvoir se répartir directement entre eux les bénéfices de ces retransmissions, sans avoir à passer par les compétitions nationales ou l’UEFA. Pourtant, les règles de répartition des droits de télévision générés par la Ligue des champions étaient déjà très avantageuses pour les grands clubs.

Cette répartition se fait déjà selon le critère du “market pool”, c'est-à-dire que les revenus issus des droits de télévision dépendent de la notoriété des clubs et de leur classement en championnat, mais surtout des droits TV que les pays des clubs engagés achètent à l'UEFA. Autrement dit, plus les médias d'un pays dépensent d’argent pour obtenir les droits d'une Coupe d'Europe, plus les clubs de ce pays recevront d'argent en retour. L’argent, éternel nerf de la guerre. En tout cas, on aurait du mal à comprendre cet engagement soudain de l’UEFA contre le foot-business, si ce n’était pour défendre sa propre part du gâteau. Dans la foulée de l’annonce de la Super Ligue, l’UEFA a réagi en faisant comprendre aux clubs félons qu’elle n’allait pas se laisser faire. Les clubs participant à cette compétition seraient purement et simplement exclus des compétitions nationales et de celles organisées par l’UEFA, tandis que leurs joueurs seraient également privés de sélection nationale, c’est-à-dire de Coupe du monde et d’Euro.

Si le bras de fer a été si intense et surtout inattendu entre les deux clans, c’est bien que leurs intérêts étaient devenus inconciliables, et que le monopole de l’UEFA était subitement remis en cause. Car si l’instance du football européen n’a pas hésité à critiquer l’avidité des grands clubs, son président parlant même de “crachat à la figure des autres clubs”, elle n’est pas non plus exempte de tout reproche dans la course effrénée à la marchandisation du football. Au fond, cette Super Ligue créait une concurrence déloyale vis-à-vis de l’UEFA, qui perdait son monopole sur les compétitions européennes. Les nombreuses affaires de corruption qui l’ont éclaboussée ces dernières années ont d’ailleurs été souvent pointées du doigt par Florentino Pérez lui-même, pour embarrasser ses opposants. À l’annonce du projet dimanche 19 avril, les critiques n’ont pas tardé à fuser. Elles sont venues des supporters d’abord, puis rapidement d’autres acteurs majeurs du monde du football, de joueurs comme d’entraîneurs.

L’association Football Supporters Europe, présente dans plus de 45 nations de l’UEFA, a, quant à elle, publié un tweet assassin qui demande des sanctions contre les clubs dissidents. Ils voulaient aussi donner tort à Florentino Pérez qui, pour justifier la popularité de son projet, évoquait un sondage commandé par les clubs fondateurs selon lequel 66% des supporters des 5 principales ligues européennes soutenaient le projet. Surtout, les supporters attendaient que certains joueurs et entraîneurs fassent preuve de courage, et prennent la parole pour défendre leur football. Les joueurs de Leeds, emmenés par leur entraîneur argentin Marcelo Bielsa, ont été les premiers à s’illustrer en arborant à l’échauffement un maillot floqué de l’inscription “Le football appartient aux fans”, alors qu’ils rencontraient ce lundi le club de Liverpool. Les prises de positions venant de joueurs ont été d’autant plus saluées qu’elles venaient parfois de membres des clubs engagés dans le projet.

Et c’est justement contre cette inégalité et cet esprit antisportif que tant de critiques se sont dirigées. Pour les supporters, attachés aux valeurs de leur sport, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase après tant d’années de financiarisation du football. L’énorme pression mise par les supporters et les joueurs a sans doute joué un rôle important dans le retrait des grandes écuries anglaises.

Mais ont-elles aussi été influencées par les récentes déclarations de Boris Johnson à l’encontre de la Super Ligue ? Le Premier ministre britannique a assuré mardi que "aucune mesure n’était écartée" par le gouvernement pour stopper la ligue européenne dissidente. De son côté, et alors qu’aucun club français n’était impliqué dans l’affaire, Emmanuel Macron a lui aussi déclaré son soutien à l’UEFA. Cette dernière a, quant à elle, annoncé mardi en fin de journée qu’elle travaillait à une nouvelle réforme de la Ligue des champions, alors même qu’une bataille juridique avait déjà commencé entre un tribunal de Madrid et l’UEFA.

Cette nouvelle réforme, qui devrait générer jusqu’à 7 milliards d’euros chaque année, a semble-t-il scellé le sort du projet de Super Ligue européenne, mort-né à peine 48 heures après son annonce. Pour autant, la somme record annoncée devrait faire retomber les espoirs de celles et ceux qui espéraient que cette crise permettrait d’en finir avec le foot-business. La réforme de la Ligue des champions sur laquelle l’UEFA travaille pour 2024 va elle aussi compter plus de matchs chaque saison, 180 au total, soit autant que le projet de la Super Ligue. Organiser autant de matchs risque pourtant assez logiquement de réduire à la fois l’attractivité et la qualité des rencontres, dont le charme est aussi lié à la rareté des grands rendez-vous. De même, les grands clubs devraient avoir un accès privilégié aux phases finales de la compétition, et repartir avec l’essentiel des recettes issues des droits TV. Néanmoins, l’image des clubs fondateurs risque d’en ressortir durablement écornée, et surtout celle du Real Madrid et de la Juventus de Turin, les principaux acteurs de ce projet.

Marca, quotidien sportif basé à Madrid, titre “Super ridicule”, pour résumer la situation à laquelle sont confrontés les clubs rebelles après cet échec cuisant. Certains réclament la démission de Perez, et le vice-président de Manchester United, Ed Woodward, a déjà annoncé sa démission à la fin de la saison. A la fin, le projet ne comptait donc plus que le Real Madrid, principal instigateur du projet, qui en récolte les pots cassés, et le FC Barcelone. A la fin, il n’en restera qu’un ! Pendant ce temps, d’autres clubs ont vu leur prestige renforcé dans cette affaire, comme le Paris Saint-Germain et le Bayern Munich, restés fidèles à l’UEFA. Dans le cas du club parisien, ce choix a pu être motivé par des raisons d’ordre diplomatique, en tout cas stratégique.

Le PSG a en effet mis du temps avant de s’accorder la confiance de l’UEFA, qui a pendant très longtemps douté de la crédibilité des dirigeants qataris. Aujourd’hui, le PSG siège au sein des instances de l’UEFA et de l’ECA, l’Association des clubs européens, à travers son président Nasser al-Khelaïfi, et sort de cette crise en position de force, tandis que ses trois derniers concurrents au titre européen, Manchester City, Chelsea et le Real Madrid, sont dans la tourmente. Autant dire que le foot-business, longtemps symbolisé par les investissements outranciers du Qatar, a encore de beaux jours devant lui, et que la nouvelle Ligue des champions risque de donner de nombreux gages à l’avidité des grands clubs, tout en sauvant l’autorité de l’UEFA sur le papier.

À moins que les supporters et des acteurs du monde du football aient pris conscience à cette occasion qu’il est encore temps de réformer ce sport pour qu’il reste populaire et porteur de valeurs autres que financières ? En tout cas, le plus important dans cette affaire, ça reste sans doute le niveau encore jamais atteint de déconnexion entre les dirigeants et les supporters. Ces propriétaires ont en effet cru qu’ils pouvaient tout simplement décider de l’avenir du football européen tout seuls, autour d’une table, en fonction de leurs intérêts, sans en parler ni aux entraîneurs, ni aux joueurs, et encore moins aux supporters. Le slogan “Le football appartient à ses supporters” aura sans doute été un rappel nécessaire adressé à ces dirigeants, qui n’ont fait que mépriser les fans de football dans ce projet, en les considérant comme de simples consommateurs, et non comme le “douzième homme”. Cette absence de consultation, est encore une fois symptomatique de ces personnes puissantes qui se mettent en scène comme un cercle de la raison, comme les seuls capables de comprendre la situation actuelle du football et comme les seuls à savoir ce qui est bon pour lui.

C’est la même logique qui permet à certains de nos dirigeants politiques aujourd’hui, de se passer de l’avis de la majorité, en prétextant qu’ils n’y a pas d’alternative, que c’est comme ça qu’il faut faire et pas autrement. Mais cette affaire montre aussi que lorsque les citoyens s’en mêlent, les décideurs sont obligés de se plier à leurs exigences. Alors que les prévisions des recettes étaient calculées sur la base de 2 milliards de supporters dans le monde qui auraient suivi comme un seul homme la compétition en payant un abonnement à prix d’or, les appels au boycott et la colère des supporters ont dû rapidement mener à réévaluer ces prévisions. Les supporters ont un pouvoir, et ils viennent d’en faire la preuve, au détriment des clubs fondateurs. La puissance financière des clubs dépend d’eux, des recettes de la billetterie, de leurs achats de maillots et autres produits dérivés, des revenus générés par les matchs qu’ils regardent à la TV. Mais ils sont surtout l’âme des clubs, la raison pour laquelle ce sport est si particulier pour des milliards de fans à travers le monde.

Comme le dit Eric Cantona, en cette période de Covid, les supporters manquent cruellement au football. Les stades sont vides, les matchs perdent de leur saveur sans la clameur venue des tribunes, mais les riches propriétaires ont cru s’en accommoder, en imaginant leur supporter idéal, dans son canapé tous les soirs de la semaine, zappant machinalement entre un Manchester City - Real Madrid et un FC Barcelone - Juventus de Turin. Un football débarrassé de sa dimension populaire et sociale, pour que triomphent enfin définitivement le divertissement et l’argent.

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2021-04-26 15:12

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